[ # 95 - Vin Diesel , chaos et Fucking Kassovitz ]


I'm not Orson Welles. I'm fucking Mathieu Kassovitz.



Il est des fois où l'histoire derrière un film est plus intéressante que le film lui - même. Que ce soit les productions chaotiques ( euphémisme de l'année ) des récents Batman v Superman : L'aube de la justice , Suicide Squad , Justice League ou de films qui n'ont jamais vus le jour ( le projet Dune de Jodorowski ) ou le projet L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam qui aura bien changé de formes et de visages avant sa version finale sortie il y a deux ans , le cinéma semble nous habituer de plus en plus à ces projets plus que laborieux dont la conception se fait dans la douleur.


Le point commun que partage les blockbusters ayant vécu cela est cette impossibilité de plus en plus imposante pour les auteurs et réalisateurs de transcender le blockbuster typique et de proposer des visions créatrices et ambitieuses. Que ce soit Batman v Superman , fresque épique sur la perte d'unité et de foi de l'humanité résultant en l'opposition du christ venu des cieux et d'un homme en proie à la folie et à un traumatisme qui a tué l'enfant qu'il était ;
Suicide Squad , film d'action sans pitié et torturé sur des sociopathes , tueurs en série et cannibales ou bien Avengers : L'ère d'Ultron , déconstruction des figures mythiques des Avengers ainsi qu'une étude de leurs traumatismes et un brûlot sur l'interventionnisme américain à l'étranger , ces films était soit trop ambitieux et profonds pour les studios américains et le public ou parfaitement inscrits dans notre époque.


Ces films sont au final complètement charcutés dans leur montage , la direction artistique est complètement révisée ( une comparaison des trailers de Suicide Squad et Justice League montre toute l'étendue du problème ) , l'appauvrissement constant du scénario , les reshoots ... Tant est si bien que les films lors de leur sortie ont divisé le public voire même pour certains provoqué une haine effarante , encore visible à l'heure d'aujourd'hui.


D'autres résonnent plus comme des films maudits , des films qui ont subit plus que n'importe quel autre et qui ont dû se battre pour exister comme l'a si bien prouvé Terry Gilliam. Que ce soit les problèmes logistiques , météorologiques ou personnels , le film semblait destiné à ne jamais sortir. Sa sortie extrêmement attendue aura été une maigre consolation , le film souffrant de cette gestation chaotique ( la trajectoire du casting du duo principal est d'ailleurs le parfait exemple démontrant que le film qui est sorti n'est qu'une version parmi d'autres qui , elles , ne verront jamais le jour ). La délivrance qu'est la sortie du film ne peut effacer le temps qui a passé et les films que nous ne verront jamais.


Dans tout ce fracas de films morts - nés ou aseptisés et vidés de leur substance originelle , intervient un autre cas. Celui du film Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz , le projet le plus ambitieux et personnel du réalisateur français , inspiré du roman Babylon Babies de Maurice G. Dantec , avec au casting Vin Diesel , Mélanie Thierry , Michelle Yeoh , Lambert Wilson , Charlotte Rampling et Gérard Depardieu.


Le tournage et tout le processus de création du film révèle une impossibilité bien réelle : celle de la cohabitation entre deux visions opposées d'un même art. En résulte un chaos désordonné , où toute pulsion artistique et parcelle d'humanité se retrouve fracassée dans un silence de mort ponctué des cris de rage et de désespoir d'un créateur qui voit son film mourir à petits feux. Et alors que chaque making - of révèle une vision toujours plus tronquée et faussée d'un tournage de film , celui - ci , intitulé très justement Fucking Kassovitz , égratigne tout sur son passage et montre la vérité dans tout ce qu'elle a de complexe , neutre et difficilement acceptable. Le documentaire parle d'un film maudit et en même temps sacrifié sur l'autel d'une confrontation qui l'aura tué durant sa naissance.
Cette opposition évoquée précédemment est celle qui oppose la vision des majors américains , où les studios ont le dernier mot et où le réalisateur devient un faiseur , et la vision française , où le film est celui du réalisateur et de son équipe , où l'on crée et improvise en plein tournage. La neutralité de ce qui nous est présenté est d'ailleurs essentielle : chacun a ses erreurs , chacun a sa vision.
L'envers du décor y est ainsi peu ragoûtant et inspirant , chaotique et désespérant. Comme toute chose , le cinéma a deux facettes. Et il était temps de montrer celle - ci.



Le pire , c'est que ça n'a pas marché parce que les deux camps voulaient tous les deux faire un bon film.


DrOwl370
9
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le 11 avr. 2020

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DrOwl370

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