En 1934, Fritz Lang fuit l'Allemagne nazie pour les États-Unis, comme d'autres réalisateurs avant lui, tels Murnau, Lubitsch, von Sternberg ou encore von Stroheim. Furie est donc son premier film américain, qu'il tourne en 1936. Dès sa sortie la même année, le film est salué comme un véritable réquisitoire contre la vengeance et la violence aveugle. Si l'histoire de Joe Wilson s'inscrit dans un thème proche de M le Maudit, le traitement des personnages n'est pas tout à fait le même. Fritz Lang continue de nous conter sa vision du fascisme en posant une problématique morale, son film ne fait pas de concession, il accuse, il accable.

Le cinéaste et critique de cinéma français René Gilson déclare à propos de Furie qu'il était un « cri de révolte passionnée contre toutes les absurdes et cruelles hystéries grégaires de persécution et de mort ». Dès le début du film, lorsque le couple formé par Joe et Katherine marche dans la rue, une foule sombre et inquiétante les suit. L'environnement est menaçant, telle une sorte de fatalité pour le personnage principal. L'homme est traqué par son destin. Lang nous offre une vision pessimiste de la société contemporaine et de la place qu'un simple individu peut occuper.

Le film inspire la pitié et la terreur chez le spectateur en s'attaquant à l'une des plaies sociales de l'histoire des États-Unis : le lynchage. « Lang dénonce la cruauté des hommes qui sont des loups pour l'homme » déclare Maurice Bessy dans l'ouvrage Histoire en 1000 images du Cinéma, et les images sont ici dotées d'une incroyable brutalité. Citons par exemple cette femme qui tient son enfant à bout de bras pour qu'il puisse voir la foule attaquer la prison. La foule, à cause de sa peur et de sa soif de vengeance, devient le bourreau.

La réalisation de Fritz Lang renforce la solitude du personnage : les champs/contrechamps ne laissent aucun angle mort dans lequel il pourrait se réfugier. De l'éclairage aux décors, de ce cadre oppressant aux jeux d'ombres, rien ne semble laisser d'échappatoire pour Joe Wilson. Lang possède une maitrise totale sur la technique et son film est lucide, sobre et poignant. A l'expressionisme de ses films précédents succède dorénavant une mise en situation réaliste de la conduite humaine qu'il continuera de développer dans J'ai le droit de vivre en 1937, et Casier judiciaire en 1939.
Bouquinages
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le 9 mai 2012

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