C'est en cherchant les films dans le même genre que The Ox-Bow Incident (que j'avais adoré) que j'ai entendu parler de Fury. Je n'ai pas été déçu, car bien qu'il brouille les cartes, Fury est peut-être encore meilleur. Sans doute est-ce même ce "brouillage" qui le rend précisément meilleur, car il en devient moins manichéen.


Comment expliquer avec des mots pourquoi Fury est un très grand film ?
Attention, je vais spoiler le film.


On retrouve d'abord les thèmes liés au mépris des droits individuels par le groupe, cette "solidarité" imbécile et animale que Tocqueville appelait la "tyrannie de la majorité". Le film traite le sujet sans concession, et cette partie là (déjà magistrale) pourrait suffire à elle seule. Jusque là, le film est relativement confortable, il y a la victime et les bourreaux, l'injustice est flagrante et nous savons quoi penser. Nous sommes moralement guidés. Mais là où Fritz Lang est fort, c'est que contre toute attente, il ne nous dit pas qui a raison par la suite. A un moment donné du film, il brise ce confort moral, car en effet, il n'implique pas un héros. Il renverse la situation et nous trouble (C'est d'ailleurs en un sens ce qu'il faisait déjà dans M le Maudit.) Nous pouvons comprendre la volonté de vengeance de Joe Wilson, mais en même temps, on se demande si la réaction est adaptée. Et la faute à qui, ou à quoi ?


La formule est peut-être galvaudée mais disons le, c'est un film qui, au lieu de nous apporter des réponses toute faites, nous amène à nous poser des questions. Mieux : à trouver nos propres réponses.
Il est possible de tirer de ce film de multiples interprétations et des prises de positions différentes. (J'ai lu pas mal de choses sur le film avec lesquelles je ne suis pas d'accord.) C'est ce qui me semble intéressant, car c'est comme si, dans la première partie, nous étions pris par la main, et dans la seconde on nous lâchait subitement et nous devions prendre position tout seul. Le film ne se substitue pas à nous, il nous amène en quelque sorte à penser (ou à repenser) "par nous-même" des questions fondamentales. (Justice, droit, loi, responsabilité, punition, morale...)


C'est du moins le sentiment que j'ai eu.


J'ai parlé du contenu, mais la forme est tout bonnement parfaite.
J'ai parlé des grandes lignes, mais dans le détail, c'est aussi un bijou.


Sur ce, je vais aller lire Psychologie des foules de Gustave Le Bon.

Créée

le 4 nov. 2013

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gio

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