Claude Miller fut l'un des réalisateurs français les plus brillants des années 70-80. Son Garde à vue reste un authentique chef d'oeuvre d'agencement cinématographique : implacabilité de la mise en scène, en huis-clos principalement ; photographie sophistiquée de Bruno Nuytten, savoureuse alchimie de lumières blafardes, hivernales et agressives ; montage virtuose, avec un découpage mettant admirablement en valeur les personnages et un décor quasiment unique doublé d'une utilisation parcimonieuse du flash-back ; écriture non moins brillante, faisant la part belle à la verve du dialoguiste Michel Audiard, plus sage qu'à l'accoutumée ; enfin un quatuor d'acteurs proprement hallucinant, entre un Lino Ventura impérial en flic opiniâtre et pragmatique, un Guy Marchand impeccable en second couteau, une Romy Schneider comme toujours remarquable dans un rôle significatif et un Michel Serrault unique, flamboyant, qui tient là probablement l'un des plus grands rôles de sa carrière !
Peu ou prou de choses à rajouter à ce bref éloge critique : la meilleure façon de voir Garde à vue serait sans doutes de le découvrir vierge de toute information, tant ce polar joue en permanence la carte du mystère et de l'ambiguïté, trouble forcément régi par le personnage de maître Martinaud, constamment entre deux eaux. Du thème tristement forain de Georges Delerue à l'ambiance pluvieuse en passant par la bande-son suggérant admirablement le temps qui passe lourdement, méthodiquement le film de Claude Miller fait l'effet d'un formidable monument d'unité dramatique. Incontournable.