Gerry
6.7
Gerry

Film de Gus Van Sant (2002)

Marche ou crève en Slow Motion.

Gus Van Sant est sans doute un homme intelligent, sensitif, singulier et méditatif. C’est probablement l’un des scénaristes contemporains qui effectue le travail d’écriture le plus original, le plus personnel et le plus indéterministe lorsqu’il veut traiter un sujet. Quel gâchis qu’il soit également réalisateur, et qu’il noie toujours ses superbes et vastes fonds dans des mises en forme lancinantes et pleines de vide.
L’Américain m’intrigue depuis Elephant, qui m’a perturbé après le visionnage pendant une journée durant laquelle j’ai dû me décider si j’avais aimé ou pas. Ca fonctionne comme ça avec ses films, soit on veut tout expliquer, tout justifier : les plans interminables, les ralentis encombrants, les images célestes ou rabâchées encore et encore (de skateurs dans Paranoid Park) etc. ; soit on se contente de la contemplation, et de laisser couler les idées au fur et à mesure, de s’immerger dans la jolie photographie (bleue) et le rythme hasardeux.
Gerry est avant tout un film précautionneux par sa sobriété : 2 personnages, un lieu unique qui permet l’épanouissement photographique, une histoire qui autorise n’importe quel dialogue, n’importe quelle péripétie de remplissage. Et pourtant, à part le rebondissement cotonneux, molletonné par le silence de la nature et le déplacement des aveugles nuages (seuls témoins du parcours des deux amis, on y reviendra) lors de l’étranglement qui précède la chute assez improbable et lassante, on voit quoi ? Un con qui se retrouve bloqué comme un minet sur un rocher à 4 mètres de hauteur, qui ne fait aucune tentative pour descendre, par exemple, en s’accrochant à un bord de la roche… Ah oui pardon, c’est FRIABLE.
Trois personnes pour écrire une marche douloureuse et sans évolution comportementale, trois personnes pour faire comprendre aux spectateurs que « dans cette situation, la seule chose à faire, c’est de marcher et rester lucide. » Attention les yeux.
On nous dit : « la déshydratation et la fatigue mettent à l’épreuve leur amitié… ». Ah bon ? Je ne trouve pas. Ils ne s’énervent pas tant que ça, il y a deux trois prises de becs sans conséquences et c’est tout. De toute façon ils n’ont pas le temps de se dévoiler, d’exposer leur réalité instinctive, puisqu’il faut marcher. Ça ne colle pas.
Les points positifs peut-être : comme Van Sant le revendique à sa manière dans ses œuvres : l’immanence de l’homme, la permanence du monde. L’immobilisme de l’homme chez Van Sant, est toujours opposé à l’immensité du monde macrocosmique qui écoute tout en rendant muette l’humanité. Rien ne bouge d’une certaine façon, ce qui explique que le ciel soit tant observé, admiré par le réalisateur, à tel point que ça tend vers l’amateurisme. Il y a toujours des bons plans avec l’Américain, quand on essaye de tout interpréter, mais il y en a surtout des mauvais et des vides, et devoir faire le tri dans chacun de ses films pour l’évaluer à la fin, c’est usant.
La dernière réussite, petite paresse du réalisateur qui devait fonctionner à coup sûr : on arrive à souffrir autant que Gerry, on prie autant la fin qu’eux, la fin vite, vivant ou mort.
FabienJfrd
2
Écrit par

Créée

le 28 août 2012

Modifiée

le 28 août 2012

Critique lue 510 fois

2 j'aime

FabienJfrd

Écrit par

Critique lue 510 fois

2

D'autres avis sur Gerry

Gerry
takeshi29
10

LE cinéma

"Gerry" est de ces très rares films qui ne s'expliquent pas. Il suffit d'accepter de marcher avec ces deux personnages, de se laisser guider par un réalisateur en apesanteur, et vous vivrez un moment...

le 20 août 2011

57 j'aime

4

Gerry
facaw
1

NON.

Le pitch me parlait bien. Le casting également. Pourtant il s'agit du film le plus ennuyeux, le plus mou que j'ai jamais vu de toute ma vie. Pourtant, même si le site pouvait nous accorder le zéro,...

le 27 sept. 2012

39 j'aime

12

Gerry
KanedaShotaro
10

L’odyssée de(s) Gerry

Premier film de la tétralogie Van Santienne de la mort (Gerry, Elephant, Last Days, Paranoid Park), Gerry est un vrai manifeste aussi bien cinématographique qu’artistique. L’épuration de la mise en...

le 10 sept. 2013

37 j'aime

Du même critique

Glamorama
FabienJfrd
10

L'immense voyage sur la surface des choses.

J'ai été tout de suite intrigué par la nouvelle maturité stylistique et la facilité avec laquelle Ellis adapte son langage et ses expressions au monde crépusculaire du XXème siècle. Glamorama est un...

le 14 juil. 2012

15 j'aime

In Another Country
FabienJfrd
3

Critique de In Another Country par FabienJfrd

J'ai beaucoup hésité à écrire dessus. Mais toutes ces critiques à 8/10 dont l'emphase quasi-générale commence à gonfler la page du site m'exaspère quelque peu. Alors je me dénude avant tout, je...

le 10 nov. 2012

8 j'aime

3

Big Soul
FabienJfrd
9

Critique de Big Soul par FabienJfrd

Un album peut-être sous-estimé. Je trouve ça dommage, parce qu'il est tellement barré, drôle et efficace qu'il me paraît indispensable, au moins dans une liste du genre "ces albums qui me redonnent...

le 1 avr. 2012

7 j'aime