Ghost In The Shell – La version sans « Ghost » et sans « Shell ».

Entendons-nous bien. Ceux qui me connaissent le savent mais il me semble utile de le notifier pour tous les autres : je suis un gros fan du « Ghost In The Shell » de Mamoru Oshii. Et histoire de vous permettre de bien évaluer le degré de la chose, je précise d'emblée que dans mon cas, ce film, je le classe facilement parmi les dix films qui m’ont le plus marqué dans toute ma vie de cinéphile, si ce n'est parmi les cinq premiers. Donc oui – forcément – le regard que je porte sur cette mouture 2017 est un regard de fan très susceptible ; le regard d’un spectateur potentiellement terrifié du fait qu’on ait osé toucher ainsi à l'une de ses œuvres phares... Mais bon, malgré tout – et je ne pense pas vous mentir ni me mentir à moi-même en vous disant cela – je me suis quand même efforcé d'aller voir cette nouvelle mouture avec une certaine ouverture d'esprit. D'ailleurs sachez-le : aussi paradoxal que cela puisse paraître, je suis loin de considérer que l’œuvre d’Oshii soit irréprochable. Pour moi une approche moins sèche pouvait avoir sa pertinence ; une remise à jour visuelle aussi… Donc voilà, j’y suis allé à fleur de peau certes, mais avec une certaine marge de tolérance quant au résultat final. Je n’attendais pas un copier-coller de l’original. J’acceptais à l’avance les concessions qui seraient sûrement faites aux codes du blockbuster américain de notre époque, tout comme je m’étais préparé à l’idée que la philosophie de l’œuvre originale serait fort probablement diluée dans une démarche plus clinquante et action-movie… Et comme quoi la surprise aurait pu être possible puisque ce film a d'abord commencé par me séduire. Pour le coup l'intro a vraiment bien fonctionné sur moi. Certes il y avait parfois ce côté tape-à-l’œil que je n’aime pas dans les scènes de CGI d’aujourd’hui, mais globalement, il y avait quand même un réel savoir-faire et une vraie ambiance qui est posée. Et puis quand j’ai vu le casting qui défilait pendant cette introduction là – entre Takeshi Kitano, Pilou « Borgen / GOT » Albaek, Michael Pitt, Juliette Binoche et Clint Mansell à la musique – je me suis dit qu’il y avait quand même du bien joli monde ! ...Enfin... Du bien joli monde certes, mais malheureusement pas aux postes les plus indispensables ! Excusez-moi de ce qui pourrait apparaitre comme du mépris à l'égard de Rupert Sanders mais, pour commencer, « Ghost In The Shell » méritait bien mieux que le réalisateur de « Blanche-Neige et le chasseur ». Pareil, quand il y a plus de deux noms dans la case « scénaristes » c’est rarement bon signe… Et puis bon, enfin, à côté de tout ça, eh bah j'avoue que j'aurais aussi beaucoup à redire sur le premier rôle. Bah oui : Scarlett quoi… Alors que la petite intro m’avait bien mis dedans – BAM ! – la tronche de Scarlett m’en a tout de suite ressorti. Et je suis désolé de le dire, mais cette actrice elle ne colle clairement pas au rôle. Mais alors vraiment pas du tout... Qu'elle soit blanche, personnellement moi je m'en moque. Mais par contre son jeu – notamment son jeu de visage – m'est apparu bien trop grossier. Et puis maintenant, grâce à Luc Besson, voilà que je ne peux plus m’empêcher d’associer cette actrice à Lucy, le personnage le moins crédible du monde… Le pire, c’est que lorsque j’ai vu le film se dérouler, j’ai vraiment eu l’impression qu’au fond, ce « Ghost In The Shell » new-look, avait peut-être cet objectif dès le départ : marcher sur les traces de « Lucy ». Parce qu'au fond, dans tout ce métrage là, l'univers « Ghost In The Shell », il fait juste déco et rien de plus. Et encore, quand je parle de l’univers de « Ghost In The Shell » dans ce film, je devrais plutôt dire « quelques noms de personnages et quelques éléments d'intrigue » parce que, pour le coup, difficile de reconnaître l'univers original. Cette ville flashy, clinquante, overdosée de CGI immondes, ça fait bien plus Besson des mauvais jours plutôt que du véritable « Ghost In The Shell » ! Pareil, quand je constate que le film se contente de dérouler une banale intrigue d’affranchissement / vengeance / quête du moi intérieur comme simple justificatif à une flopée de scènes de flingues ultra-nerveuses ou de prouesses CGI qui dégoulinent de partout, là aussi je me dis que c’est bien plus le trip d’un « Lucy » que d’un Oshii… Alors après – encore une fois – je n’interdis pas à un auteur de s’approprier l’œuvre pour en faire quelque-chose de nouveau. Seulement là, je trouve qu’on n'est clairement pas dans de l’œuvre d’auteur. Ce film, c’est juste un cahier des charges stéréotypé typique de tous les films d’actions-CGI du moment. Certes, il y a bien quelques trucs sympas...


...comme les yeux bioniques de Bateau, la scène de combat dans l’eau en combinaison thermo-optique ; les décors parfois minimalistes et minéraux de la vieille cité.


Mais bon, quand on prend bien le temps d’y réfléchir, tous ces détails sympas du film sont en fait tous issus du « Ghost In The Shell » original. D’ailleurs, sur ce point, c’est assez surprenant que ce film ait parfois pris le parti de reprendre presque plan par plan certaines scènes cultes du dessin-animé. Alors certes, c'est chouette parce que tout de suite ça rend la réalisation beaucoup plus pausée et l'atmosphère beaucoup plus prégnante, mais d'un autre côté ça jure totalement avec le genre général du reste du film et - surtout - ça créé un effet de comparaison entre les deux œuvres qui ne se fait vraiment pas en faveur de cette version 2017... Enfin bref, au final que m’est-il resté de tout ça ? Eh bah pas grand-chose justement… J’ai trouvé ça hideusement clinquant ; j’ai trouvé ça bruyant ; j’ai trouvé ça abrutissant ; j’ai trouvé ça stéréotypé ; j’ai trouvé ça creux… Bref, j’ai trouvé ça vain… Et au fond, ce qui me dérange le plus dans ce film, c’est le simple fait qu’on ait osé appeler ça « Ghost In The Shell ». Franchement à part quelques visuels (les seules choses intéressantes du film d’ailleurs), il n’y a rien de « Ghost In The Shell » là-dedans. A l'origine, « Ghost In The Shell » c’était un film sec, très épuré, aussi bien dans les décors, les personnages, les scènes d’action ou de dialogues. « Ghost In The Shell » c’était un film au propos bien costaud qu’il fallait d’ailleurs savoir retrouver au milieu d’une intrigue bien complexe. « Ghost In The Shell » c’était une philosophie ; c’était un regard sur l’humain, c’était un étourdissement… Qu’est-il resté de tout ça dans ce film de 2017 ? Des CGI dégueus dans tous les coins ? De nouveaux personnages caricaturaux au possible ? (Non mais Cutter quoi ! J’avais l’impression de revoir le général dans « Final Fantasy : The Spirit Within » ! C’est dire ! ) Et une philosophie qui se retrouve réduite à quelques punchlines tout droit sortis de fortune-cookies ? Non mais… Non mais franchement non là les gars… Au-delà des opportunités de se faire de l’argent, il y a quand même aussi le respect des œuvres ; les respects des noms ; le respect des gens… Alors après – c’est vrai – je n’ai pas l’impression qu’on m’ait forcément sorti le pire des blockbusters, mais j’ai quand même l’impression d’avoir été traité avec aussi peu d’égard qu’on peut le faire actuellement vis-à-vis d’un mangeur de comics… Et dire qu’après avoir vu ce film, certains néophytes se diront : « En fait c’est que ça Ghost In The Shell ? » Eh bah juste pour ça, c’est quand même triste moi je dis…

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le 16 sept. 2017

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