Je sais pas pourquoi j’ai voulu tenter à nouveau l’expérience Laugier après Martyrs. Je sais d’ailleurs même pas pourquoi j’avais tenté Martyrs alors que j’avais détesté Saint Ange (qui avait au moins le mérite d’être plus calme que ces deux-là)

Ah mais si je sais. Je suis un gros con. Un gros con qui s’est laissé tenter par la hype Martyrs et par une hype grandissant autour de Ghostland, auréolé de prix à Gerardmer et d’une critique qui semble avoir vu un film différent de celui que j’ai vu. Ou qui a décidé d'encenser cette chose parce qu’elle est réalisée par un Français et qu’elle change un peu du paysage habituel.

Bref, que je ferme ma gueule. J’y suis allé, j’y suis allé. Maintenant, je dois faire comme les protagonistes de Laugier. Je dois essayer de recommencer à vivre. Je dois tout apprendre à nouveau. Je dois comprendre que cette expérience est vraiment arrivée, et que quoi que je fasse, je ne l’effacerai pas de ma mémoire.

Je vais être extrêmement condescendant dans cette critique, mais désolé, c’est tout chaud là, j’ai besoin de me défouler.

Le film commence par une citation de son personnage principal (un peu comme si un des Harry Potter commençait par « ’Wingardium Leviosa !’ Harry Potter ») avant de montrer un petit enfant mystérieux qu’on ne reverra jamais et dont on n'entendra plus jamais parler. Mais puisque Laugier dit une fois par scène « eh, j’aime Lovecraft », j’imagine que c’est une nouvelle référence à ce dernier.

Très vite, on passe au vif du sujet et on se rend compte en 10 minutes que ce qu’on va voir va être extrêmement problématique. Déjà, les acteurs : regards plus vides que celui d’une loutre (c’est ça quand tes deux actrices principales sont une actrice de Teen Wolf et une chanteuse has-been), énonciations et articulations extrêmement dérangeantes (en fait, on dirait qu’on leur a demandé de tout - bien - ar-ti-cu-ler - pour - qu’on puisse - les - com-prendre - dans - le - monde - en-tier - sans - sous-titres) mais surtout, elles récitent des dialogues d’un mec qui a grandi avec des séries B et Z dans les années 80 et qui ne connait que 3 mots : asshole, fuck, et motherfuck. Je n’ai pas vu son précédent film réalisé en Anglais, mais putain, si c’est du même acabit, ça fait pas envie.

Les dialogues, parlons-en, puisque lorsqu’ils ne servent pas d’exposition - la perso principale qui raconte le pitch qui va suivre en lisant dans le journal du coin « un homme entre dans des maisons pour tuer les parents et séquestrer leurs filles qui ont 15 ans », putain, mon Nice Matin n’est vraiment pas aussi précis - ils sont tellement bizarres qu’on a l’impression que des répliques ont sauté au montage.

Mais alleeeeeez. On est pas venus voir Ghostland pour ses dialogues hein.

Si je dois lui accorder un bon point, c’est qu’il commence vite. On entre très vite dans le vif du sujet, le home invasion arrive directement après 10-15 minutes - mais là encore, merci la faiblesse d’écriture et les raccourcis puisqu’ils entrent dans la maison parce que la petite, cette sotte, avait laissé la porte ouverte - mais je dois dire que c’est un bien pour un mal. J’y reviendrai plus tard.

Les deux clichés de méchants dégénérés, sortes de mélange entre des survivals japonais et un Massacre à la Tronçonneuse 15, sont donc arrivés, se débarrassent de « je je suis libertine, je suis une catin », font un fuck à la petite qui leur a fait un fuck plus tôt sur la route - au cas où on aurait pas compris que c’étaient eux qui klaxonnaient au début du film - reniflent la culotte d’une poupée, reniflent la culotte de la petite qui chiale parce qu’elle vient d’avoir ses règles, baaaah caca ça pue les règles, la jettent par terre, reniflent la culotte de la petite moins petite qui n’a pas ses règles, et puis la violent. 

Sauf qu’en fait, on ne se débarrasse pas de « sans contrefaçons je suis un garçon » comme ça. Elle revient, plus vénère que jamais, prête à protéger ses deux ouailles, et fout des tatannes aux deux weirdos. Enfin. Je crois qu’elle les défonce. Je n’ai rien compris tellement c’était mal filmé et encore plus mal monté.

Et puis, l’héroïne se réveille. En fait, tout ça n’était qu’un flashback dans ses cauchemars. Et ça ne fait que 20 minutes de film. Tout ça en 20 - putain - de - minutes. Et il reste plus d’une heure. Doux Jésus.

Je vais tout de suite évacuer les bons points pour me concentrer sur ce qui ne va pas : il y a un bon travail sur le son de la maison, il y a un twist plutôt intelligent très rapidement dans le film, et enfin, le film est très condensé.

Mais cette condensation est au final une mauvaise chose, parce que ça hurle tellement avec en fond une musique atroce qu’on en ressort avec un mal de tête pour 3 jours.

 Une musique qui nous empêche de ressentir quoi que ce soit, puisqu’elle nous dit constamment quand avoir peur et quand pleurer. Bravo Laugier, t’es devenu un Américain. 

Et t’es tellement devenu Américain que ton film bat le record historique du nombre de jumpscares. A ce niveau là, c’est plus un train fantôme. Je ne sais pas ce que c’est, mais ce n’est clairement plus un train fantôme.

Et puis… L’horreur en elle-même.

Je trouve qu’il y a quelque chose d’extrêmement dérangeant dans ce voyeurisme. Voire même dans cette complaisance. Même si le film utilise beaucoup plus le hors-champ que Martyrs, j’ai du mal à accepter la carte « MAIS C EST CATHARTIIIIQUE WESH » quand il n’y a pas le moindre fond ni même la moindre trouvaille visuelle. Si on me montre des gens hurler, saigner, pleurer, et se pisser dessus pendant 1h30, sans qu’il n’y ait ni message ni même une réalisation un tant soit peu soignée, en quoi c’est différent d’un snuff ? Je vais dire quelque chose d’assez incroyable et que je n’aurais jamais pensé dire un jour, mais je crois qu’il y a plus d’idées dans Martyrs qu’ici. PUTAIN.

Et je ne suis pas très fan des explications dans les films d'horreur en général. J'aime les films d'horreur où des psychopathes font du mal à leurs victimes juste parce qu'ils en ont envie, à la Funny Games. Les excuses données aux méchants sont beaucoup trop souvent maladroites. On est jamais vraiment proches de la subtilité d'écriture d'un Massacre à la tronçonneuse ou d'un Pyshco, quoi. Mais s'il n'y a aucun message à tout ça, aucune justification, il y a au moins à la limite une proposition cinématographique. Une idée de mise en scène. Je sais pas, quelque chose.

Ici, non. Il y a juste deux petites qui se font violer et frapper pendant 90 minutes pendant qu'elles hurlent et se pissent dessus. Et vu que ce n'est pas assez humiliant et dégueulasse, on goutte leur pisse. Au cas où le film aurait été un peu trop subtil, vous voyez. C'est un putain de snuff. Ce n'est pas cathartique, ce n'est pas intelligent, ce n'est pas bien filmé. C'est un snuff. C'est du voyeurisme.

Voilà ce qu’on a l’impression de regarder. Un snuff avec un tout petit peu de budget quoi (enfin, la majeure partie du budget est partie dans « Desenchantée » et dans la Teen Wolf).

 C’est moche que ça en peut plus, l’interprétation est désincarnée et les actrices sont venues cachetonner tandis que les psychos ne sont jamais montrés face caméra. C’est filmé avec une caméra qui glisse encore plus des mains du cadreur que s’il tenait une savonnette huilée, c’est monté par un gars qui a dû vouloir faire un cache-cache avec la moitié des plans du film. C’est hystérique, c’est fatigant, c’est écrit par un mec qui n’a jamais vu d’ados de sa vie, donc encore moins d’ados interagir entre eux et qui enchaine encore une fois les lieux communs. C’est vide, superficiel, vulgaire, et c'est complaisant. Et comme toujours avec lui, ça a la subtilité d'une huitre.

Mais putain de merde. Ça a plu. Ça a gagné des prix à Gerardmer, ça a reçu de très bonnes critiques, et ça va représenter un putain d’énorme succés commercial puisqu’il y a une hype et que ça n’a couté que 4 millions. Et j’ai contribué à ce succès commercial.

Donc Laugier est au même stade mental, au même état d'esprit qu’il y a 10 ans avec Martyrs, et il arrive toujours à financer ses films. Pire encore, il arrive à recevoir de bonnes critiques et à gagner des prix avec un film financé avec trois francs six sous. Merde, peut-être que c’est admirable, en fait ? Peut-être que c’est moi qui n’ai rien pipé à ce film et même à son cinéma en général ? Peut-être que ce gars est un génie ?

Je ressens aujourd’hui après cette chose la même haine et la même fatigue que j’ai ressenties il y a 10 ans après Martyrs. Je suis souvent énervé après des films d’horreur parce que je vois ce genre, qui m’est extrêmement cher, être gangréné par les productions Wan et surtout Blum. Je le vois dépérir sous les jumpscares. Sous des films à la The Purge auxquels on pardonne quasi n’importe quoi, même les pires scénarios, parce qu’on leur trouve des messages ridicules, mais surtout, parce qu’ils marchent au box office. Sous des feel-good horror movies, construits comme des franchises, à la Ça, auxquels on pardonne de ne jamais faire peur parce qu’ils ont la décence d’être jolis, et encore heureux dans le cas de ce dernier avec son budget avoisinant les 40 putain de millions.

Le Laugier qui a perdu il y a 10 ans a gagné aujourd’hui avec ce Martyrs un peu moins barré et moins violent. Et Martyrs qui aurait dû sombrer dans l’oubli va s’offrir une seconde vie. Et ça fout le démon.

N’allez pas voir Ghostland.

WallydBecharef
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le 19 mars 2018

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Wallyd Becharef

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