Réalisé par Lukas Dhont et sorti en 2018, "Girl" raconte l'histoire de Lara, une adolescente née garçon qui entame un traitement hormonal pour devenir fille. Au travers de son synopsis, le film belgo-néerlandais convoque un ensemble de références cinématographiques, pour un sujet - la transidentité - déjà sérieusement abordé au cinéma. Je pense au très beau film de Xavier Dolan "Laurence Anyways", qui pousse la réflexion sur la thématique à un degré extrêmement poussé et fait désormais office de référence.
Mais "Girl" est plus complexe, plus intime, moins revendicateur. Il fond ce sujet on ne peut plus politique dans un moule intimiste. Lara le dit elle-même, elle ne veut pas être un exemple pour celles et ceux qui ne seraient pas nés, qui ne seraient pas tels qu'ils sont. Comment le pourrait-elle d'ailleurs ? Elle qui cache son pénis sous du ruban adhésif, qui se prive de relations amoureuses, qui ne va pas à la douche commune avec ses partenaires de danse...
La thématique en dissimule une autre, celle de l'adolescence. Contrairement à "Laurence Anyways", Lara n'est pas ce personnage bien installé, professeur, en concubinage, qui décide de ne plus vivre cette vie qu'il a toujours vécu. Qui envoie tout valdinguer d'un revers de la main, et doit vivre la douleur de cette déchirure qui porte ses marques jusque dans la relation amoureuse qui l'a porté jusqu'à présent. Non, Lara est une adolescente. Cet âge où la quête d'identité prend toute la place. C'est sans doute la force du film. Lara est comme vous et moi à l'adolescence, lorsque l'on ne pouvait pas vivre avec ce que l'on était alors. L'universalité de la quête d'identité propre à l'adolescence devient celle de Lara et celle de la transidentité. On comprend alors que l'objectif est toujours le même : se chercher.
Lara anticipe le regard des autres plus qu'elle ne le subit. Comme dans cette scène à l'ambiguïté dérangeante, durant laquelle ses amies de danse lui demandent de montrer son sexe et la meneuse lui dit : "Tu penses qu'on croit que t'es un mec quand on te voit ?" dans une évidence oubliée. Ou dans la scène de la douche où Lara éveille davantage de soupçons en refusant de se laver avec ses camarades qu'en y allant et en dévoilant ainsi son corps dénudé. Le monde qui l'entoure n'est pas malveillant, mais son regard est terrible.
Le film se contient et on attend sans cesse l'instant de la délivrance. Il ne paraît jamais véritablement venir. Comme si tout tenait à la crispation adolescente que le personnage porte sur les événements. A ce titre, la fin est d'une justesse folle : plutôt qu'un final portant sur l'achèvement de sa transformation, ou sur une scène de danse signifiant la réussite de sa carrière (à la manière d'un Billy Eliott), c'est à une Lara neutre et marchant dans les couloirs du métro que nous avons à faire. Comme si la véritable transformation du film tenait à ça. A cet apaisement du personnage qui s'accepte et devient adulte.
Un très beau film.