Glass Chin
Glass Chin

Film de Noah Buschel (2015)

Variation arty autour du cliché éculé du Boxeur fatigué qui s'acoquine avec les mauvaises personnes, Glass Chin ne va pas plaire à tout le monde. Mais pour les aficionados du genre, ayant envie de retrouver les vieux codes du film Noir explorés différemment, le film a un charme assez particulier.
On connaît bien la figure du boxeur fier, déçu de lui-même et de sa condition présente, intimement persuadé qu'il mérite mieux, que sa chance est sur le point de se profiler. C'était Nous avons Gagné ce soir, c'était Butch qui envoie bouler Marsellus Wallace. Ici aussi il y a ce pacte faustien avec le mafieux trop mielleux pour être sincère.
On connaît tout ça et c'est parfait, ça permet de se repérer et d'apprécier l'offre du scénariste-réalisateur de tenter autre chose. Parce que Noah Buschel, sa Pulp Fiction il la filme comme Ozu.
Mise en scène épurée, cadrages discrètement sophistiqués tout en longs plans fixes, il y a une recherche de la juste distance. Une envie de ne pas surdécouper pour mieux laisser exister ses personnages, qui se révèlent au final plus humains et fouillés que d'habitude.


La qualité évidente du crime drama Glass Chin réside dans son écriture. Dans sa manière d'infiltrer les codes du genre pour mieux se concentrer avec méticulosité sur le perso principal et la banalité de son parcours. Oui, il a une vie de merde. Oui, il va tenter de dégoter mieux. Oui, il va faire les mauvais choix et risquer de tout perdre. La vraie question, c'est comment.
L'attention aux détails est ce qui fait tout le sel de Glass Chin.
On suit le boxeur lors de son jogging du matin, avec sa copine, au ciné, dans la rue, à la boxe, avec son chien, avec les mauvaises personnes, avec les mauvaises personnes en train de faire les mauvaises choses.
On sait quelle musique il écoute, quel parfum il porte, on sait que le mec aime sa copine mais qu'il n'est pas contre tirer un coup ailleurs, comment il préfère installer les bandelettes de ses gants bien serrées pour se battre, comment il surveille scrupuleusement le régime alimentaire de son chien. C'est précis, détaillé. C'est vivant.
On relie les points les uns après les autres pour finir par dessiner le portrait global de l'homme. Son humanité. Ses forces, ses faiblesses. Sa lâcheté, son courage. Ses convictions plus ou moins vacillantes. Un character study qui devient poignant à force d'être froid et distant. C'est la force paradoxale de la pudeur.


Autour de lui, une belle galerie de personnages avec chacun leur propre voix. La copine, le coach, le jeune boxeur plein de promesses, le gros bras psychopathe rigolard capable du pire, le big boss mafieux maniaque et tout-puissant. Tout ces personnages s'expriment avec une certaine gourmandise dans la langue, une langue arrivant à occuper une place qui pourrait paraître impossible, entre le réalisme social cher aux films indépendants américains et les joutes verbales des polars polardeux qui font plaisir. Ce n'est pas du Tarantino. Ce n'est pas du David Mamet. Ce n'est pas du Martin McDonagh. C'est du Noah Buschel. Un flôt constant qui a du caractère et une identité propre.


Audace assez incroyable, les deux séquences pivots du récit (un meurtre, un match) sont abordées hors-champ, hors de portée du perso principal, raccord avec cette thématique du boxeur soumis à un destin qu'il ne contrôle pas. C'est élégant mais on peut penser qu'une ou deux séquences plus spectaculaires, un ton au-dessus, auraient pu aider à rendre plus digeste et marquant le récit , cette approche globale mesurée va diviser. It's an acquired taste.
C'est une proposition de Cinéma à la fois balisée et différente, fraîche, portée par des acteurs solides et pittoresques. Corey Stoll (House of Cards) a cette faculté rare à rendre tout de suite un personnage humain et attachant, alors qu'il joue pas forcément un mec bien sur tout rapports. Et Billy Crudup s'amuse visiblement comme un petit diable dans le rôle du méchant qu'on aime détester.
Pour les curieux et les amateurs du genre, Glass Chin, ça se tente.

Dalecooper
7
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le 27 juin 2015

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