Et si le drame dans la vie d'un spectateur c'est de grandir? Il y a bien des exemples de films qui nous accompagnent sur plusieurs décennies sans perdre de leur charme. Mais il existe malheureusement le cas inverse. Ces films qu'on a aimé enfant et que même la nostalgie la plus coriace ne pourra protéger devant des yeux plus aguerris.
C'est exactement ce que je ressens devant le Godzilla signé par Roland Emmerich. Je le trouvais fun et drôle avant. Maintenant, il m'évoque l'accident industriel. Le mythe du lézard géant ressort passablement esquinté d'un traitement l'ayant presque métamorphosé en attraction du Jurassic Park. Je ne mets pas en cause le classique de Steven Spielberg, mais l'utilisation qui en a été faite ici. Cette orientation pour le retour de Godzilla était prévisible voire logique, seulement elle dénature l'icône nippone et s'apparente parfois à du plagiat.
Ce qui ne serait pas si grave si le film reposait sur une intrigue un tant soit peu solide. Malheureusement, ce n'est pas le cas ici. D'accord, le concept de base est invraisemblable. Mais combien de films partent d'une idée insensée et se révèlent être de vrais trésors? Si on arrive à croire en leurs personnages et à ce qui leur arrive, alors on se laisse emporter. Le problème c'est qu'ici, ces éléments sont aussi invraisemblables que Godzilla lui-même. Alors même si l'aspect visuel est parfois réussi (notamment dans sa première partie), le long-métrage s'écroule si lourdement par la suite qu'il en devient même ennuyeux. Les acteurs font le job, il y a un peu d'humour (merci Jean Reno) et globalement je n'ai rien à leur reprocher - à part Maria Pitillo qui est franchement à côté de la plaque. Je sauverai également la bande originale de David Arnold, excellente. Le monstre mérite aussi un peu de respect vu qu'il apporte un peu d'émotion. Mais j'ai bien du mal à le considérer comme Godzilla, après sa transformation grossière en dinosaure. C'est bien dommage de le regarder aujourd'hui comme un film dont je rirai amèrement. La seule bonne chose que l'enfant que j'étais et l'adulte que je pense être devenu partageront concernant cette version, ce sont les premiers teasers (dans le musée, ou la baie de New York) qui restent grandioses. Une bien maigre consolation.