Pour apprécier ce nouvel épisode de Godzilla, il est presque nécessaire de revoir le film de Honda Ishirô et pourquoi pas la pléiade de suites produites par la Tôhô. Il n'est pas un hommage, mais une forme de suite. Godzilla est un reflet d'une époque, son expression. Que dit Godzilla en 2014 sur l'humanité ? Attention SPOILERS.


Film piège, film anti-catastrophe et parfait hold-up, Godzilla 2014 parvient à être à la fois un héritier en droite ligne des films japonais (design copier/coller du Godzilla japonais, ses pouvoirs, ses ennemis) tout en sachant utiliser la personnification monstrueuse qu'est Godzilla pour bouleverser sa symbolique. Le monstre n'est plus la réponse à la vanité humaine, emportée par son arrogance. Godzilla n'est plus la Terre, qui au plus profond de ses entrailles, se lève face la démesure humaine pour lui infliger le châtiment. Le film est une prise de conscience de l'humanité face à son lourd passif. Pas un catharsis - cela a déjà était fait mille fois, mais plutôt une résilience.


Tout dans le film montre le changement d'attitude. Presque un film politique (Essais nucléaires dans le Pacifique, explosion d'une centrale nucléaire au Japon et hommage à Hiroshima), Godzilla 2014 impressionne par son humilité. Le conflit n'est presque pas monopolisé par la toute puissance américaine (qui ne tire presque aucun coup de feu et rappelle un peu Pacific Rim avec son côté conflit international "serrons-nous les coudes au lieu de faire la leçon mais pas les Russes"). L'arsenal nucléaire n'est pas la solution au problème mais nourrit le problème, au sens propre comme au sens figuré, métaphore d'une vaine escalade atomique dans l'histoire.


Les personnages, quant à eux, n'ont pour ainsi dire aucun pouvoir, aucune prise sur les évènements. Ils sont juste des témoins privilégiés qui permettent au spectateur d'avoir un point de vue, sauf dans la dernière heure. D'ailleurs, il est amusant de voir comment le film lance des indices de ce qu'une narration classique ferait avant de s'amuser à faire le contraire.


En donnant à Godzilla le rôle principal de son film, Gareth Edwards force au respect de la nature, à collaborer avec elle. Ce n'est pas finaud, on l'accorde volontiers (d'autant que le film est franchement très mal filmé et que je trouve que le film ne va pas assez loin dans son esthétique rougeâtre), mais il s'agit de faire de ce "monstre", incarnation brutale de la nature dans ce qu'elle a de plus viscérale, non pas un antagoniste à l'humanité, mais plutôt un allié. À cet égard, les scènes les plus puissantes et les plus émouvantes - pour moi - sont celles où l'armée américaine "escorte" Godzilla, quand celui-ci évite les navires de guerre ou quand il pose un regard sans haine sur un humain, cela sans oublier son retour dans l'océan. Il est le gardien d'une paix retrouvée entre l'humanité et son environnement. On peut pouffer de rire, peut-être, mais dans un contexte de déclin ressenti de la civilisation (occidentale) qui trouve son expression dans la ribambelle de films apocalyptiques et millénaristes, on s'étonnera de voir soudain un message d'espoir surgir par le biais de cette figure cinématographique qu'est Godzilla.


Vous vouliez peut-être la guerre, la bataille, du bruit et de la fureur. Godzilla 2014 vous offre une résolution de paix à la place.

numerimaniac
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le 14 mai 2014

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