Dès le premier plan, on sent que ça va être quelque chose: La tête blonde de Rosamund Pike et Ben Affleck, qui nous dit qu'il aimerait fendre le crâne de sa bien-aimée. Et bien ça, je crois que c'est une entrée en matière comme j'aime. En adaptant Les Apparences, le polar de Gillian Flynn, David Fincher excelle dans l’un de ses exercices préférés : s’approprier des récits avec un terrible talent de conteur et une science exacte de la manipulation des images. Tout de suite, Gone Girl dégage la puissance d'un impeccable thriller, véritable cauchemar continuant de hanter longtemps après la séance. David Fincher décrypte ce règne triomphant du spectacle sur nos vies. Sa réalisation est hallucinante de maîtrise et son scénario s'avère très habile dans la manipulation du spectateur. Voici donc une farce cruelle et horrifique sur le mariage .On pense à Alfred Hitchcock ou à Brian De Palma et on prend une leçon de cinéma. Captivant de bout en bout, notre réalisateur va entraîner les spectateurs dans une impressionnante série de faux-semblants. Avec un jeu minimaliste, Ben Affleck incarne parfaitement le citoyen moyen plongé dans une situation extraordinaire .Ce thriller d'exception, magistralement mis en scène, captive de bout en bout.La tension nous prend à la gorge et on assiste pétrifié ,avec ce divertissement d'une grande facture, à un spectacle sombre et désespéré sur l'effondrement d'un couple en même temps qu'un démontage en règle de l'American way of life. Satire du mariage et des médias, le film se présente comme une dénonciation de l'hypocrisie d'une société américaine idolâtrant les apparences. Reese Witherspoon était un temps liée au personnage incarné par Rosamund Pike, mais n'est finalement que productrice. Le réalisateur s'amuse et nous mène en bateau. Il redéfinit les impressions, les sensations que l'on pourrait avoir et prévoit presque toutes nos réactions de spectateur. Le message le plus évident de Gone Girl reste son analyse terrible de notre culte moderne de l'image, cette si grande importance des apparences pour cacher notre vrai visage. Il n'y a aucun temps mort dans ce film, aucun relâchement. Tous les acteurs sont brillants. Ben Affleck est saisissant, mais c'est surtout Rosamund Pike qui impressionne , la véritable révélation du film. Une femme mariée disparaît le jour de son cinquième anniversaire de mariage .Que dire de plus? En dire plus serait en dire trop. David Fincher décrit avec style notre époque et toutes ces façons stupides que l'on a de relayer la moindre rumeur et de s’en tenir effrontément aux apparences. Il sait créer de la tension pour rendre le récit palpitant et haletant, 145 minutes quand même. Dans ce climat troublant voire malsain , il mêle habilement thriller et drame conjugal. Il braque sa caméra sur le personnage du héros en révèlant peu à peu ses failles et son passé, tout en étudiant en profondeur son couple. En mélangeant le thriller au suspense insoutenable à l'intimité conjugale, David Fincher analyse les rapports que le couple entretenait, entre jeux de dupes et bonheur d'apparence ou encore passé idéalisé ainsi que ceux qu'ils avaient avec leur entourage. Il dresse aussi une sacrée pique aux médias à travers cette recherche excessive du toujours plus sensationnel . Ben Affleck bénéficie de l'excellente direction d'acteur de David Fincher et s'en sort à merveille en donnant de la présence et du mystère à son personnage qui ne semble pas affecté par cette disparition et qui va tout faire pour trouver la vérité. Face à lui, Rosamund Pike est intrigante, belle et troublante à souhait en héroïne Hitchcockienne. Tout est brillant. Accompagné tout le long d'une photographie froide, la fin reste ouverte et très bien pensée. Dès les premières minutes du film, David Fincher impose son style et son rythme. On se jette pas dans son ambiance, dans son univers. On y est happé. Le réalisateur se joue de nous et nous mène par le bout du nez jusqu'au renversement final qui terminera d’achever tous les moindres espoirs que l’on pouvait encore avoir sur le bonheur conjugal. Les apparences sont partout dans Gone Girl . On ne sait jamais si les personnages sont honnêtes tant ils sont difficiles à cerner. Il y a les mensonges au sein du couple évidemment, mais aussi avec les journalistes en tous genres. Avec David Fincher, le sens du détail est poussé à l'extrême. Dans un geste, une façon de se mouvoir, dans un regard, un visage qui se tourne , tout peut avoir un sens et un sens caché. Le film est élégant entre ses cadres et mouvement de caméra et sa maitrise de l'ambiance ainsi que de la tension. Après la femme parfaite, la victime idéale, l’incarnation de la revanche de toutes les filles et la femme fatale, on retrouve même l’épouse aimante à la fin. Une des dernières scènes dans la douche est extraordinaire. On retrouve la fameuse scène de Psychose d'Alfred Hitchcock mais totalement inversée . La supposée victime s’y lave du sang des preuves et de la culpabilité de son crime, alors que le héros faux coupable et réelle victime reste présent ,impuissant devant le fait accompli. Avec le retour de sa femme dans le foyer familial, le piège représentant le foyer familial rassurant d'habitude se referme sur lui comme un lieu inquiétant. L’inquiétude est ici liée au cerveau de sa femme dans lequel se trouve la clé du complot . Là réside le mystère qui bouleverse complètement l’interprétation de cette même scène qui ouvre et ferme Gone Girl. Ce que David Fincher filme dans ce dernier acte est à l’extrême opposé du " et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants " habituel . Gone Girl est en réalité une satire faisant du mariage une farce réellement tragique pour ses protagonistes. Habilement retranscrit par un montage alternant les points de vue et marquant les points des deux parties, cette institution du mariage est habilement résumée en une impitoyable et permanente lutte où il s’agit de dominer l’autre ou de plier . Comme d'autres l'on fait avant, je pense à Martin Scorsese ou John Ford, David Fincher semble vouloir dire que tout est une question d’apparence et de faux-semblants dans nos sociétés. Puis , au milieu de tous ces faux-semblants, on trouve dans ce film des moments de grâce comme cette scène très jolie où la poussière de sucre vole tout autour des deux héros pareille à une neige très fine. J'aime aussi beaucoup quand Rosamund Pike apparait, bien vivante, dans sa voiture et commence son explication avec un terrible monologue de plusieurs minutes pour résumer son plan machiavélique. Elle dresse alors un portrait de la vie de couples en général avec ses compromis, ses choix, ses doutes, ses déceptions, etc. Extraordinaire. Ce passage qui contient flash-back, présent et saut en avant dans le futur est génial. J'adore. Ce film Gone girl deviendra le plus gros succès mondial de David Fincher à plus de 368 millions de dollars. Ce film est d'abord un modèle de construction narrative : le présent de l'enquête se mêle au passé du couple, via le journal de Rosamund Pike puis au passé recomposé de cette dernière . Le scénario fait constamment évoluer notre regard sur les personnages au fil de ce que l'on découvre sur eux et c'est tout bonnement captivant .

pasteque68
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le 12 mai 2019

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