La critique de la presse cinéma laisse parfois perplexe, et SC se révèle souvent plus proche de mon appréciation : ainsi, je vois mal ce que ce Grand Central a de remarquable. Je lui trouve quelques qualités, et beaucoup de défauts.
Ce qui est bien, c'est la façon quasi documentaire de montrer une centrale : le dessin des courbes, intérieures et extérieures, le caractère aseptisé des lieux, les hommes au travail. Le sujet n'avait peut-être jamais été traité, et Rebecca Zlotowski s'en sort fort bien. Plus banal est le discours sur les puissants exploitant les petites mains, qui prennent tous les risques pour pas grand chose. Sans doute vrai, mais tant de fois montré au cinéma...
Ce qui n'est pas bien, c'est cette idée de parallèle entre la dose de radioactivité et la dose d'amour. Wouaou la su-per al-lé-go-rie ! L'idée n'est franchement pas passionnante. Et il y a la lourdeur avec laquelle le message est asséné. Lorsque Karole roule une pelle à Gaby (clin d'oeil à Becker) en public et lui déclare : "tu vois, c'est ça la dose", outre qu'on n'est pas loin du ridicule, le message est peut-être un rien grossier non ?
Plus loin, lorsque la réalisatrice veut montrer le désir de Gaby pour Karole, que fait-elle ? Elle filme les cuisses et les seins de Léa Seydoux en gros plan. Subtil, non ? La liaison n'aura d'ailleurs rien que de sexuel, aucune dimension affective ou psychologique n'est développée. Et dans les herbes, c'est tellement mieux (un cliché du cinéma, mais c'était un clin d'oeil à l'univers de Renoir)... Bref, on peine à s'intéresser à cette relation, qui devient vite le coeur du film, supplantant la dimension documentaire sur la vie dans les centrales. Résultat : lorsqu'un foetus pointe le bout de son nez et que la question se pose de choisir entre Gaby et Toni, ce qui aurait pu devenir un dilemme moral ne fonctionne pas du tout. Et le mariage qui se termine en bagarre dans la boue finit par agacer par la banalité du traitement..
Dommage, car la première scène, dans le train, était assez prometteuse. Dommage aussi, car l'interprétation tient la route - mention spéciale pour Tahar Rahim, plus à contre-emploi que Léa Seydoux et Olivier Gourmet, qui remplissent parfaitement leur mission mais sans surprendre.
A vouloir truffer son film de références, à Becker, à Renoir, à Pialat ("je viens de la Fémis, j'ai de la culture"), à chercher un peu trop le conceptuel en oubliant l'épaisseur humaine, Rebecca Zlotowski ne réussit rien de très grand, ni de très central dans la production cinématographique actuelle. Un petit film vite oublié.
5,5