Chef d'oeuvre technique, grossièreté thématique...

Sur le plan formel le film est à tomber à la renverse et pour peu que l'on aime un peu le cinéma, on ne peut qu'être subjugué par les plans séquences ahurissants et le sens du cadre hors du commun de Cuaron.
En revanche, narrativement, c'est très convenu, et un poil redondant. Le film roule sur des rails et enfile les clichés comme des perles... Du coup, je ne me suis à aucun moment senti proche des personnages et cela même si Bullock y accomplit une performance géniale, digne des vraies bonnes actrices de film d'horreur : On a terriblement envie qu'elle s'en sorte et il me semble que c'était indispensable pour que le film fonctionne.

Alors, la réalisation est certes sublime, le jeu des acteurs juste et on en prend plein les mirettes, mais la linéarité du scénario, la trop grande place du spectaculaire et les métaphores beaucoup (mais vraiment beaucoup) trop appuyées m'ont privés de toute implication émotionnelle. Sentiment assez paradoxal pour un film jouant à fond l'immersion.

Et, si ce n'est la mise en scène extrêmement brillante, rien ne surprends ni n'émeut particulièrement. L'ensemble est froid comme le cosmos.
Pourtant on peut pas dire que le film manque de fond, oh que non ! Au contraire le second degré de lecture est si appuyé, surligné que cela en devient indigeste. En effet, si Gravity s'était contenté d'être un suvival en mode montagne russe spatiale, il aurait était franchement réussi. Et c'est sans doute parce qu'il tente d'être plus que cela que le résultat m'a paru bancal... Car à force de symbolique, parfois brillante mais souvent lourdaude, on frise l'exercice de style et on se prend à rêver du même film mais avec un peu plus de subtilités et sans les grands panneaux qui clignotent pour nous dire quoi regarder, quoi penser, quoi sentir. Et si à un moment le film semble prendre un virage "Tarkovski" bienvenu, il reprend très rapidement son rythme de croisière de "psy-show explosif" enchainant les scènes de destruction massive.

Je n'aime pas le jeu des comparaisons, mais dans le genre grand film en ligne droite qui aborde bien plus de choses que son pitch simpliste ne le laisse apparaitre, il y'a 40 ans de ça, un certain Duel faisait nettement plus fort car rien n’obligeait le spectateur à tout faire à la fois : doubler le survival au combat intérieur, lier l'adversité à un adversaire intime, lier l'intime à l'universel. Tout y était mais le spectateur gardait un rôle, une fonction. Oui, mais Duel, à l'écriture, c'est Richard Matheson...

Heureusement tout n'est pas perdu pour le trip spatial de Cuaron : le rythme est soutenu, les moments de bravoure s'enchaînent et on a pas le temps de souffler ni de s'ennuyer une seconde. Le film est un incroyable rollercoaster, on avance sur un rail qui vous retourne dans tout les sens, mais une fois descendu du formidable manège on n'en retire rien, si ce n'est l'immense moment de fun que l'on vient de passer, et une agréable sensation de tournis. Et si on en attendait pas plus, impossible d'être déçu du voyage. Car visuellement ça ridiculise toute concurrence. Vraiment.
Donc, rien que pour le spectacle, le film vaut vraiment le déplacement. J'aurais juste préféré une histoire moins convenue, un fond moins grossier et des personnages un brin moins stéréotypés.

Créée

le 2 nov. 2013

Critique lue 314 fois

AirHell

Écrit par

Critique lue 314 fois

D'autres avis sur Gravity

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Gravity
Strangelove
8

"Le tournage dans l'espace a-t-il été compliqué ?"

Telle est la question posée par un journaliste mexicain à Alfonso Cuarón lors d'une conférence de presse à propos de son dernier film Gravity. Question légitime tant Cuarón a atteint un niveau de...

le 23 oct. 2013

235 j'aime

44

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Du même critique

Le Loup de Wall Street
AirHell
10

L'apocalypse selon Saint Martin

On n'y croyait plus, le voilà, enfin ! Le grand chef d’œuvre de Martin Scorsese qu'on osait plus espérer, le film somme d'une carrière géniale, et la vrai grande réussite de la collaboration...

le 18 janv. 2023

7 j'aime

Thor: Love and Thunder
AirHell
2

Infâme T(h)orchon

Tout va de mal en pis chez Disney/Marvel. C'est nias, crétin, moche, jamais drôle, toujours lourdingue, souvent ennuyeux et jamais divertissant. Rien ne semble avoir été l'objet d'un soin quelconque...

le 10 août 2022

4 j'aime

3

Southland Tales
AirHell
9

Have a nice apocalypse

Il était évident que Southland Tales ne ferait pas le consensus. Rien n’ai fait pour simplifier la compréhension de ce film ultra référencé, gavé de culture pop-rock et de Hard SF, précédé de trois...

le 4 sept. 2013

3 j'aime