La pesanteur et la grâce

Il y a dans Gravity une déception des sens manifeste. Tour de manège technique déjà maintes fois évoqué, le film captive par ce qu'il a plus élégant du point de vue formel, la superbe photographie soulignant la virtuosité de l'action tonitruante et viscérale, rythmée par des péripéties conventionnelles qui rangent le film, on le comprend dés les premiers instants, dans le genre de l'action, plutôt que de la science fiction métaphysique. Et c'est dommage, non pas que ces montagnes russes cinématographiques n'aient pas leur effet escompté : il faut insister une de fois plus sur la fluidité des images, sur la beauté fascinante des espaces sidéraux, qui fait de Gravity un plaisir des sens. Mais parce que ce soucis esthétique permanent de la contemplation donnait un bref un aperçu de l'homme face au Sublime, à travers ce spectacle de la nature dans sa puissance dévastatrice qui suscite tantôt la peur face à cette désolation angoissante, tantôt la volonté de résistance de l'espèce humaine qui se mesure et se confronte à cet océan d'antimatière. Ici, cette adversité est illustrée par un héroïsme convenu, qui s'appesantit sur des personnages caricaturaux et une introspection existentielle au rabais. La tentative de réflexion n'est pas tant évitée, qu'elle vient parasiter le spectacle dans une version dégradée, dans un format qui lui donne bien peu d'oxygène et de consistance. Reste un spectacle de haute volée, mené tambour battant malgré le silence du vide insondable.