Pour son premier film en solo, Peter Farrelly prend un peu de court avec Green Book. Autrefois érigé (avec son frère Bobby) en pape de la comédie burlesque aux accents trash, le réalisateur a jeté son dévolu sur une histoire d'amitié contrariée par les divers outrages perpétrés contre les gens de couleurs dans les années 60 aux États-Unis. Difficilement conciliable avec l'humour graveleux du cinéaste? Oui, on ne va pas se mentir. Mais il n'empêche que Peter Farrelly parvient à faire passer quelques scènes assez cocasses entre ses deux stars (Viggo Mortensen et Mahershala Ali). Évidemment, le thème du duo "mal assorti" s'y prête idéalement. Mais ce qui surprend ici, c'est la capacité de Farrelly à mêler la douceur d'une amitié naissante à une époque âpre où les rapports humains étaient conditionnés par le rejet et l'ignorance.
Si Green Room parvient à éviter certains écueils inhérent à une histoire qu'on pense connaître par cœur (et ce n'est pas faux), c'est dans cet équilibre entre séquences comiques et moments introspectifs. Il n'est pas toujours tenu (le film accuse un léger ventre mou à mi-parcours), mais le talent de ses deux interprètes principaux rend contribue à rendre le voyage agréable. Mahershala Ali impose une présence solide dans le rôle de Don Shirley. Un monument d'élégance dont la force mentale masque une âme accablée par la mélancolie et le découragement. Dans un rôle aux antipodes de ses prestations habituelles, son compagnon de route Viggo Mortensen dévoile une facette comique inédite. Une incarnation d'ogre qui explose petit à petit ses oripeaux rustres pour révéler un homme tendre sous ses aspects rugueux. Green Book se montre sensible et honnête jusque dans ses faiblesses. Avec ce premier long seul à la barre, Farrelly tape là où ça fait mal. Curieusement, ça fait aussi beaucoup de bien.