Le récit iniatique d'une jeune mystique traversée par la foi « amoureuse de Dieu » selon ses propres termes, qui entre dans un couvent pour prononcer ses voeux et surtout se rapprocher du Christ et finalement en est chassée à cause de ses comportements de privation qui selon la mère supérieure traduisent un « amour de soi » (elle ne se protège pas du froid, refuse de s'alimenter...)
Renvoyée dans le monde qu'elle fuit: un riche appartement parisien avec un père diplomate et une mère dépressive. Elle redevient Céline (Hadewijch étant son nom mystique adopté au couvent),une étudiante en théologie, calme, ascétique, passant tout son temps libre à prier: dévouée entièrement à Dieu. Un jour elle rencontre un groupe de banlieusard dans un café qui l'invite à aller à un concert , invitation qu'elle accepte avec une facilité déconcertante, elle se rapprochera de l'un d'entre eux plus particulièrement : Yassine, tout en repoussant gentiment ses avances et en lui expliquant qu'elle ne veut pas de relations avec un homme et qu'elle veut "rester vierge toute sa vie" car elle est uniquement à dieu toute entière (malgré des démonstrations d'affections régulières, platoniques pour elle, tentatrices pour lui).
Elle rencontre le frère de Yassine qui anime un groupe de réflexion sur l'islam dans la cité (monde complètement différent de celui dans lequel elle vit mais qu'encore une fois elle accepte sans hésiter) on sent clairement que le réalisateur a une formation de philosophie : débat constant avec une profondeur métaphysique tant dans la mise en scène que dans la lettre, sur l'amour, la tolérance, la religion (d'ailleurs davantage traité comme un objet polémique tout au long du film que comme objet mystique; le réalisateur étant athée): Yassine affirme "Mais Dieu il est là" ce à quoi Céline retorque "Mais non il n'est pas là".
Ce reniement de la présence de Dieu intervient par une discussion, centrale chez Dumont, sur le visible et l'invisible. La folie est également évoquée: quand Yassine renouvelle ses avances Céline lui dit clairement qu'elle est amoureuse du Christ, (comme si c'était un homme, ce qui explique pourquoi elle ne supporte pas le regard des autres hommes qui la convoîte, le regarde des autres est d'ailleurs extrêmement important ici: dans une autre scène Yassine vole le scooter d'un homme parce qu'il l'avait "mal regardée). ce à quoi il lui repond qu'elle est barge soulevant ainsi une question essentielle sur le personnage de Celine: en effet malgré ses comportement extrêmes, celle-ci n'a rien d'une folle, au contraire, elle prend le temps de vivre, fait preuve d'un grand calme, à une facilité à exprimer ses émotions et à s'intégrer mais en dépit de cela elle n'a qu'une obsession: le christ duquel elle désire se rapprocher à tout prix. Et elle pense que le frère de Yassine est celui qui lui permettra d'y parvenir qui lui assène que « si elle a la fois elle doit agir ».
Par son intermédiaire elle finit par intégrer un groupe de terroriste et devient la complice d'un attentat qui la conduira à renoncer à la foi dans la douleur et donc et à la vie pour finalement trouver son sauveur dans un homme qui lui même a commis un pêché et ainsi accéder à une nouvelle dimension morale et existentielle.
Le réalisateur ne porte aucun jugement sur ces actes, il se contente de les rapporter laissant un lourd travail d'analyse au spectateur.
Finalement Céline passe par la privation et le reniement d'elle même pour connaître enfin la redemption et l'apaisement: conférant ainsi au film une morale quasi stoïcienne dans cette nécessité de passer par la chute des corps pour faire apparaître l'âme.
Zarathoustra93
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le 17 sept. 2012

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Zarathoustra93

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