La reprise en mains puissante et intelligente de Rob Zombie

Rob Zombie fait partie de ces spectateurs sur qui un film a exercé une attraction contrastée, entre admiration de l’objet en tant que tel et projections de ce qu’il aurait pu être ou devenir. Nos films préférés peuvent être achevés et toucher une fibre intérieure pour toujours, il y a parfois ce paradoxe là : nous nous y retrouvons tellement mais ce serait génial de reformater le produit. En général, en y ajoutant quelques éléments sublimes mais difficiles à imposer en raison de la morale ou des moyens ; et parfois, en transformant tout à sa mesure. C’est ce qu’a fait Rob Zombie en reprenant la saga Halloween pour un remake, qui aura sa propre suite.



La première partie est fascinante, surtout lorsque Michael est en prison. Envisageant la plongée dans l’enfance d’un monstre, Rob Zombie tient à humaniser le personnage, lui fournir une genèse, poisseuse et surtout médiocre en l’occurrence. Zombie nous peint donc un contexte de whit trash aux stigmates manifestes voir extrêmes, avec le beau-père brutal et alcoolique, l’odeur de l’inceste et la virilité tourmentée.



Après avoir passé sa rage sur des animaux, Michael laisse sa violence surgir. On a donc la scène de bascule prévue, puis par paliers mais assez vite, l’enfant n’a de reconnaissance, lâche toutes ses références. Ainsi ni sa mère, ni cet aimable gardien (Danny Trejo – mr le gangster mexicain !!) n’ont de statut particulier pour lui. Il va devenir pleinement qui il est, un monstre, total, implacable. Et puis quinze ans plus tard, c’est un bloc massif et mutique attendant son heure – oubliez la séquence d’évasion de Terminator 2.



La seconde partie voit le retour de Michael à Haddonfield, où le film fait écho à l’original avec plusieurs balises et citations, mais en s’en distanguant en à peu près tout, dans le style, dans l’orientation, dans l’épaisseur. L’efficacité de la vision de Rob Zombie vient de son aptitude à donner des raisons à ce qui est injustifiable : la boucherie, tout en gardant la logique de l’inné et de la déviance. Et Rob Zombie est un grand metteur de scène de l’injustifiable, surtout que The Devil’s Reject, lui, n’avait clairement aucun but, aucune vocation autre que le happening de dégénérés.



Nous sommes donc dans son univers, bien en forme ; ça n’a rien à voir avec la banalité de l’horreur barbaque, c’est extrêmement réaliste, avec une présence sèche et maléfique venue saboter l’équilibre modeste de braves gens ordinaires. L’intérêt de cette partie c’est finalement de ré-actualiser les évangiles de la bible Halloween en illustrant donc le genre, avec tous ses poncifs, sans allez vers la routine ou l’anecdote. Le talent de shocker de Zombie s’est épanoui dans ce film plus que jamais. Halloween 2 va venir confirmer cela, en décuplant cette lucidité dont Zombie avait besoin, car sa frontalité seule ne menait à rien de probant.



Abondamment critiqué voir calomnié, le film a bien des défauts, notamment dans son écriture explicite ou ses dialogues parfois franchement bis (quand le journaliste raconte la nuit de l’horreur – l’ouverture de H20 était de ce niveau, ça n’a pas empêché d’aboutir à l’un des meilleurs slashers américains qui ait existé). Mais quelle mise en scène ! Quelle viscéralité ! Et comment peut-on jouer les sceptiques sous prétexte que donner un aperçu de la source du Mal gâcherait tout ; alors que Zombie ne fait aucunement du psychologisme et nous donne plutôt un Michael autre, plus proche de lui et de nous.

http://zogarok.wordpress.com/2014/11/01/halloween-par-rob-zombie/

http://zogarok.wordpress.com/2014/10/30/halloween-la-nuit-des-masques/
http://zogarok.wordpress.com/2014/10/31/la-saga-halloween/

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le 2 nov. 2014

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Zogarok

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