Sans avoir une seule seconde la prétention de remplacer, et encore moins de surpasser les inimitables critiques de Feu Paul_Labrador, mais plutôt dans un esprit de petit hommage que je lui rendrais, et pour faire honneur à la retrospective Wellman dans le cadre du Festival Lumière, je voulais écrire une petite critique sur un Wellman. Délicate question que le choix d'un seul parmis tout ceux que j'ai pu voir, car ils sont tous extremement surprenants. j'ai finalement choisit celui ci, car c'est sans doute le plus surprenant de tous, clairement un des meilleurs, et en plus un film complètement oublié des Senscritiqueurs. Faut dire il passait pour le coup le Dimanche matin, ça aide pas. Je préviens d'avance, je vais au cours de cette critique en profiter pour parler un peu de Wellman, des caractéristiques générales que j'ai pu lui trouver, et de son style si particulier.

En ce qui concerne Héros à Vendre, j'ai été particulièrement surpris de voir à quel point le film était... cosmopolite. Il prend, intègre, mélange avec une rare habileté une quantité de genres incroyable, et ce en tout juste 1h15. Tenez vous bien, voila le topo : Le film commence pendant la guerre de 14-18, en plein dans les tranchées, et l'on s'attend alors à un film de guerre. Mais pas du tout, voila que 15 minutes plus tard la guerre est finie. Et Wellman nous transporte dans ce qui fait pré-figure à tout ces films de drogués, avec l'histoire de son héros dont la gloire a été volée, qui est tombé acro à la morphine. On est en plein film de drogué, on suit ses déboires, sa chute, et 15 minutes plus tard on bascule encore entièrement, on tombe dans un film sur... La grande dépression ! Et oui, les années passent, notre héros n'est plus un drogué, mais est victime des afres de cette période douloureuse, perd son travail, vis avec les mendiants, etc etc. Mais ce n'est pas tout !! 15 minutes plus tard, le héros se sort de cette délicate période, monte son entreprise, et remonte la pente ! Puis 15 minutes plus tard, on tombe dans le film sur la chasse aux rouges. Et 15 minutes après, on passe du côté de "Fury", on est en plein film de lynchage. Bref, le film ne s'arrete pas une seconde de surprendre, est un condensé d'action incroyable.

Et ce film est un bon moyen de passer à des généralités, car on y retrouve tout ce qui est nécessaire pour une bonne sauce Wellman. Ses thèmes y sont presque tous abordés, on va trouver donc bien sur la grande depression (on pense bien sur aux mendiants de la vie, avec la sulfureuse apparition de Torpenn), la guerre (Wellman a été aviateur fut un temps), et d'autres contextes propices à cette grande caractéristique du cinéma de Wellman : Une dureté incroyable, compensée par une légereté impalpable et un humour sous-jacent. L'esthétique et le style de Wellman sont assez délicats à saisir, dans le sens ou c'est un réalisateur esthétiquement typique, caractéristique de ce que l'on s'attend à trouver dans un film hollywoodien de cette époque. Ce n'est pas à ce niveau que l'on va arriver à reconnaître à coup sur un film de Wellman. Non, il faut chercher à un autre niveau. Wellman a eu une enfance agitée, on le qualifiera pas délinquant juvénile, mais ce n'était parait-il pas un tendre, et ça se ressent dans ses films. Il y a toujours de la violence, et très souvent d'une force incroyable. Alors avant le code Hays, pas ou peu de censure, donc on en prend plein la gueule, on pense à la fin de Ennemi Public -ATTENTION SPOIL- ou le méchant est renvoyé à son frère, il a été tué alors qu'il été encore à l'hopital, visiblement torturé avant, et il atteri sur l'entrée de la maison dans une scène juste incroyable d'horreur, ou même ici, quand le héros est accro à la morphine, il nous est montré en pleine crise de manque, sueurs froides, tremblements, compagnie (relativement réaliste d'ailleurs, chose rare au cinéma), contrainds à piller la caisse de son patron, incapable de travailler, renvoyé, il subit tout les outrages que sa condition ne manque jamais d'entrainer. Mais même après que la censure ait-été installée, on a droit encore à des scènes parfois même plus surprenantes. Et la on pense immédiatement à La Ville Abandonnée, cette scène incroyable, ou tout se passe en un instant. Wellman est un cinéaste du détail, et c'est beaucoup en cela qu'il prend toute sa valeur à mes yeux, ses films sont étonnament travaillés, recherchés, détaillés, pour l'époque. J'y reviendrais, pour l'instant, cette scène ou Henry Fonda se bat avec un autre cow-boy, le met à terre, et, l'air de rien, caché par le bar, s'appuit sur celui ci pour sauter à pieds joints sur la tête de son congénère. Une violence inouïe, renforcée par la pudeur qu'il y met, en la cachant et en la cadrant dans un angle. Tout bonnement incroyable que ça ai pu passer la censure. Mais même sans glisser dans cet extrême, dans l'Appel de la Foret par exemple, le film s'ouvre, pour la toute première scène, sur deux hommes en train de se battre comme des animaux (mais vraiment) dans une marre de boue, on a l'impression d'être fasse à deux porcs se roulant et se débattant dans leur fange, puis l'on passe à des plans sur une vieille miséreuse, etc.

Wellman aime aussi beaucoup traiter de son Amérique, et j'admire chez lui cette façon qu'il a, à travers des films de genre, d'analyser et de faire remonter les problèmes d'une Amérique en crise. Que ce soit la violence physique, la corruption, le traffic (Ennemi public), mais aussi l'alcoolisme. Il traite de l'alcoolisme d'une façon qui pose question. On est plus dans un simple thème récurrent mais bien dans une véritable interrogation du cinéaste. Ce fait indubitable m'a frappé pour la première fois en voyant "une étoile est née". Ce qui passerait pour une comédie bon enfant est un véritable réquisitoire contre l'alcool. Il aurait pu faire passer ça discrètement, mais pas du tout. Le héros perd tout à cause de l'alcool, son travail bien sur, sa vie même, mais encore plus que ça, il fait perdre le temps de la vie de sa femme, et seule sa mort empechera cette dernière de tout lacher, d'abandonner ses rêves. Cette morale est posée avec une cruauté incroyable, au milieu d'un film qui se déclare clairement du côté de la comédie, on assiste à un drame monstrueux. D'ailleurs Selznick n'était pas très emballé initialement par cette comédie, la trouvant trop "le cul entre deux chaises", mais a fini par céder. Il faut plus qu'un film pour dire que ce thème est plus que ça chez ce cinéaste, et on remarquera que l'alcoolisme est présent dans bie nd'autres de ses films, la grande majorité. Dans l'Appel de la Foret, à peine arrivent-ils en ville qu'ils boivent. On serait tenté de dire "mais qu'y a t il de si choquant ?" Ce n'est pas tant le fait qu'ils boivent que la façon unique qu'a Wellman de le montrer. Ils s'attablent, nos deux héros, avec leur bouteille de whisky, et la tombent en un temps record. Ils boivent comme des trous, entre chaque phrase, presque entre chaque mot ils vident un verre de whisky cul-sec, ça n'en fini plus, c'est assez impressionant. Mais pas tant que ça quand on a vu avant l'Etrange Incident. Dans ce film une scène magnifique, très Wellmanienne, ou il nous montre au premier plan l'action, la discussion entre les principaux protagonistes, pendant que caché tout à l'arrière plan au fond, on a un compère qui se boit verre sur verre de la bouteille précédemment laissée, scène typiquement Wellmanienne car la véritable action est dissimulée, et lorsqu'on la remarque on est à la fois hilare et un peu choqué.

Car si Wellman aime à montrer la violence dans sa forme la plus crue, il aime aussi à rire, et ne s'en prive pas. Tout ses films, même les plus durs, sont empreints d'humour. La palme revenant à Convoi de Femmes, qui reste mon préféré. Le scénario a d'ailleurs été écrit par Capra, chose palpable au possible. Le film est à la fois une ode à la vie en communauté, à la fois une dure peinture de la vie, grande métaphore brillante. Le style Wellman acollé à ce coté Capra est d'ailleurs chose intriguante. Ainsi le côté naïf de Capra est temperé par la violence Wellmanienne. On a des morts, et pas qu'un. Un gosse y passe, des personnages importants, la réussite se paye toujours chez Wellman, bien qu'elle soit accessible à qui s'en donne les moyens. En ce qui concerne l'humour, je ne vais pas mutliplier les exemples, on le trouve dans absolument tout ses films, ce qui donne un côté dérision, ironie, une sorte de légereté impalpable vous dis-je. Peut-être une mention spéciale pour les Mendiants de la Vie tout de même, qui illustre à merveille ce côté de Wellman. Il y traite de la grande depression, mais contrairement à toute attente il nous livre ici une pure comédie, allant jusqu'à l'hilarant (et pourtant c'est pas souvent que j'éclate de rire comme ça devant un film muet) quand Torpenn débarque, son tonneau de liqueur sur le bras, et commence à imposer sa loi parmis les clochards. Moment mémorable.

Du côté des énergies positives, on est obligé de remarquer l'excellent sens de la fraternité, de l'amitié qu'a ce cinéaste. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il commence son film Beau Geste par une citation d'un proverbe arabe disant "L'amour d'un homme pour une femme croît et décroît comme la lune. Mais l'amour d'un frère pour un frère est immuable comme la parole du Prophète". On retrouve ce thème dans la plupart de ses films, dans Ennemi Public bien sur, ou malgré toutes les différences de point de vue qu'ont les deux frères, ils se retrouvent ensemble à la fin, liés jusque dans la mort, ou l'amitié des deux héros masculins de L'Appel de la Foret, la solidarité sans faille du producteur pour son acteur déclinant dans Une étoile est Née... Il y a tout de même un large bémol à mettre pour La Ville abandonnée, ou ils finissent tous par s'entre-tuer (!). L'"Amitié" homme/femme quand à elle suit d'autres lois bien particulières. Wellman attribue une place toute particulière à la femme, et est pour cela bien en avance sur son temps. Chez lui déja, la figure féminine est invariablement une femme très belle bien sur, mais avec un caractère en acier trempé. Pas de petites greluches empotées chez Wellman, place aux femmes de fer, fortes, précurseuses de cette nouvelle génération de femmes à venir des années 60. On toucherait presque au féminisme. La femme n'est jamais en retrait, jamais secondaire. Il culmine avec Convoi de femmes. Le titre et le résumé laissaient attendre un western de femmes un poil mysogine, loin de la ! C'est l'occasion parfaite pour Wellman d'étaler une galerie de portraits incroyables. Et la, les femmes sont fortes, ou tuées, le choix est vite fait. Elles se rebellent contre l'autorité masculine (le pauvre Robert Taylor a bien du mal à dompter toutes ces furies), dérouillent de l'Indien, traversent des montagnes, et parviennent finalement à leur but, ou elle n'ont pas une seconde l'intention de perdre pour autant leur féminité, exigeant d'avoir de nouveaux habits après ce voyage pour se présenter à leur époux, qu'elles ont bien l'intention de choisir. Mais si Convoi de Femmes est l'exemple le plus évident de cette figure que Wellman fait de la femme, ce n'est pas pour autant le seul. On pense alors à Une Etoile est Née, ou la force de volonté de cette jeune fille est proprement incroyable, arrivant par sa seule volonté (et un peu de chance peut etre) à avoir la gloire, un mari célebre, la réussite, enfin tout ce qu'Hollywood a à offrir. Mais l'un de mes préférés reste La Ville Abandonnée, ici la petite-fille du grand père est bien décidée à garder son or, et Dieu quelle énergie elle y met !! On a rarement vu personnage féminin avec autant de caractère dans le monde du western, pareil énergumène, capable de faire peur à trois gaillards bien solides, etc.

Et enfin il me reste un petit point à développer, the last but not the least : Le symbolisme. Et oui, on est à Hollywood, des années 20 au début des 50's, mais c'est pas pour autant que Wellman n'introduit pas un petit peu de cet ingrédient magique qu'est la symbolique. Ce qui me permet ici un petit hommage à ce cher Paul_Labrador, car cette remarque qui suit ne vient pas de moi, mais bien de lui, et est d'une pertinence incroyable. A propos de l'étrange incident, il faisait remarquer avec une justesse incroyable quelque chose qui participe à placer Wellman pour moi dans les plus grands réalisateurs Hollywoodiens, et en tout cas parmis les plus oubliés de SC. Les trois faux-coupables sont presque toujours filmés ensemble, à la façon d'une icône de la Trinité, l'erreur n'est pas possible, on ne peut se méprendre, et ça dénote un génie de réalisation chez ce cinéaste toujours impressionant. De même, à la fin du même film (et ici encore merci à Paul à qui je pique ses idées, mais dans le seul but de les partager maintenant qu'il n'est plus la) Wellman, l'air de rien, pose un plan brillant. On y voit deux personnages (ma mémoire défaille), disposés de telle façon que l'on voit les yeux de l'un, mais pas sa bouche, cachée par le chapeau de celui au premier, plan, tandis que ce même chapeau cache les yeux du premier, ne montrant que sa bouche. Et leur rôles dans cet "étrange incident" qui a viré au drame est ainsi représenté, tout en subtilité. De même, dans l'Appel de la Foret, l'acolyte rêve, et en même temps qu'il dit "non coupable", il abaisse son bras comme le ferait un juge, et les dés qu'il a toujours avec lui tombent, faisant un 5 et un 2, soit un 7, le symbole de la chance. ils arrivent alors à bon port. Mais pour le retour, Clark Gable (qu'il est insupportable dans ce rôle !) les lui envois, et ils tombent sur 1+1, "les yeux du serpent", et en effet les mauvais évenements surviennent alors... Ce ne sont que quelques exemples du symoblisme qu'aime Wellman à glisser dans ses films.



Pour conclure cette petite critique je dirais que les films de Wellman ne prennent toute leur ampleur qu'une fois qu'on commence à connaitre un peu son style, et que l'on peut s'amuser à repérer tout ces petits éléments discrets et intelligents qui caractérisent son style. C'est un cinéaste d'une grande modernité, etc, etc, foncez si vous avez l'occasionn je ne me suis jusqu'à présent jamais ennuyé, et plus que ça je suis allé de surprise en surprise.
Adobtard
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le 28 oct. 2011

Modifiée

le 23 sept. 2012

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