Hidden
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Hidden

Film de Jack Sholder (1987)

J'ai encore des souvenirs d'un cours d'anglais renforcé, en 4ème ou en 3ème, durant lequel notre prof nous avait montré le début de ce que je pensais être un film de merde, Hidden. La qualité de la VHS pourrie sur laquelle on voyait le film n'améliorait pas l'impression que j'avais.
Je suis encore surpris maintenant, peut-être plus qu'à l'époque, en y repensant, que notre enseignante ait choisi de nous montrer ça.
Le début de The hidden nous montrait un homme qui sort tellement tranquilou de la banque qu'il vient de braquer que c'en est ridicule, et ensuite fait face à un barrage de flics sans inquiétudes et sans se préoccuper de toutes les balles qu'il se prend.
Il y avait rien que dans ce début des scènes comme le jeune homme que j'étais n'en avait jamais vu. Je me souviens m'être adressé à peu près en ces termes à un de mes camarades, lors d'une scène de poursuite :
"-Eh mais regarde, mais regarde ! T'as raté un truc !
-De quoi ?
-Il vient de renverser un type en fauteuil roulant !".
Mais il y a une explication logique à tous ces évènements plus tard : le braqueur est un alien qui vole les corps des humains !
On avait dû voir ça au début des vacances, car on n'a jamais vu la fin de Hidden. Ne me souvenant pas du titre du film, des années plus tard, j'ai décrit ce que j'avais vu à un spécialiste, qui m'a dit que ce devait provenir de celui-ci.
J'ai ainsi ensuite découvert que le réalisateur était celui du très correct "Freddy 2", et que Hidden, qui a gagné le grand prix à Avoriaz, était carrément considéré comme un "american classic", selon un type dans le documentaire "Never sleep again" sur la saga des Griffes de la nuit.
Ce qui a de quoi surprendre même les spectateurs qui ne sont pas amateurs de cinéma horrifique, c’est la présence en haut de l’affiche de Kyle MacLachlan. On reconnaîtra aussi Clu Gulager (La revanche de Freddy), Lyn Shaye (actrice de Les griffes de la nuit et femme du patron de New line), et même Danny Trejo qui, pour changer, joue un criminel en prison.

Si je ne l’avais pas compris il y a des années de cela, en voyant Hidden en entier ce soir, j’ai pu comprendre que le caractère absurde des éléments du début que je citais, ou d’autres dans le reste du film, est assumé.
On nous plonge plusieurs fois dès les premières scènes dans le n’importe quoi et l’exagération comique : l’énonciation ridicule de tous les crimes perpétrés par le méchant en deux semaines, le policier qui décrit le départ de son meilleur homme comme il décrirait l’apocalypse (ceci étant joué d’un air sérieux bien sûr), et ce nombre de bruits de déclics d’arme à feu caricatural lors de la scène du barrage, tout cela apparaît clairement comme volontaire, à la limite de la parodie du film d’action.
Si à un moment Hidden semble reprendre simplement un cliché de ce type de cinéma, à savoir le passage d’ouvrier portant une vitre au milieu de la route au cours d’une course-poursuite, il y a un twist à cela étant donné qu’ici un des ouvriers se défonce la tête sur une des voitures.
Que ce soit avec les variations apportées à ces clichés ou les scènes WTF, Jack Sholder fait plaisir au spectateur déviant avec son détournement du cinéma traditionnel.
Parfois, Hidden est tout simplement d’une bêtise réjouissante : un agent du FBI y avoue à son coéquipier avoir volé sa Ferrari ; un client et un concessionnaire de Ferrari y concluent un deal en sniffant de la coke, … Cette dernière scène laisse à penser que le film n’a pas reçu d’aide financière de la compagnie automobile, malgré la grande présence de leurs véhicules dans le film.
En effet, en plus d’aimer écouter du rock, voler des banques et des boutiques de bonbons, le méchant alien de Hidden aime conduire des Ferrari.
Pourquoi est-ce qu’il ferait ça ? Qu’est-ce que ça lui apporte ?
C’était tout de même drôle de le voir avoir les mêmes désirs vains qu’un humain pourri par son opulence, et c’est en faisant cette constatation que je me suis demandé si on ne pouvait pas voir en Hidden une légère critique du capitalisme et d’une certaine image de succès que l’on essaye d’imposer à tous : avoir une belle voiture et en profiter pour draguer les femmes qu’on croise dans la rue. L’alien, nouveau en notre monde, aurait pu capter cette image et chercher à atteindre le but qu’il s’est trouvé par le biais du meurtre.
En tout cas, cette idée a peut-être été un bon moyen pour le réalisateur de défendre auprès de la production la nécessité d’exposer tant de luxe dans ce film.

La perception de la vie terrestre par l’alien est par ailleurs hilarante. Ayant sûrement appris tout récemment ce qu’il sait de nous, il parle de façon saccadé, et dans une scène articule "thank you, byyyye" comme un attardé, puis BAM il tire sur des mecs. Et se tire. La vie est simple pour lui.
Et le méchant varie les plaisirs en changeant au bout d’un moment le style d’enveloppe corporelle qu’il choisit.
Il y a une économie sur les effets spéciaux concernant les scènes de changement de corps, le réalisateur ayant sûrement jugé qu’il n’était utile (pour des questions de budget sûrement) que de le représenter au début, après quoi le spectateur savait ce qui se passait sans avoir à le voir. Les quelques FX sont en tout cas très bons, bien gluants et donc repoussants. Le plus impressionnant reste ce tentacule qui sort d’une veine d’un des humains possédés.
On ne peut pas dire que Hidden soit un film bien subtil, à l’exception de cette scène entre l’agent du FBI et la fille de son coéquipier.
La réalisation de Jack Sholder se fait discrète, de même concernant le montage la plupart du temps, mais deux passages m’ont marqué : le premier en bien, c’est lors de la descente dans un entrepôt de mannequins et qu’on alterne entre les deux policiers en passant de l’un à l’autre par une coupe sur un déplacement similaire de chacun ; le second en mal, c’est quand on a comme establishing shot d’une boîte de strip-tease qui est en fait une reprise d’un plan en travelling vu avant qui était censé être le subjectif d’un personnage en voiture. On aurait pu se passer de ce plan sans problème en plus, le lieu ayant été établi peu avant.

J’ai légèrement (très légèrement) été déçu par le happy end. Une fin géniale aurait été que [spoiler] le héros se fasse tuer en abattant le sénateur. Ou encore plus pessimiste : en essayant de le tuer !
Là, ça aurait rendu le film vraiment subversif.
Peut-être qu’il aurait fallu une scène où l’alien quitte un corps par le cul quand il est au WC, et aille posséder quelqu’un d’autre ailleurs qui serait aussi assis sur le trône. Je sais pas d’où me vient cette idée, mais jusqu’à maintenant elle était associée à ce film dans mon esprit. Est-ce que j’ai cru à une époque que c’était vraiment dans le film ? Est-ce que mon esprit sordide l’a inventé, ou est-ce que ça existe dans un autre long-métrage ?
Mais Hidden est déjà pas mal malade tel qu’il est.
Je trouve fou qu’un tel OFNI existe. Avec un bon budget, en plus de ça.
En tout cas, quel regret qu’on n’ait plus des œuvres comme celle-ci de nos jours. C’est fou qu’avec le temps, on puisse moins faire des choses en marge dans le domaine du cinéma.
Dommage aussi que Jack Sholder n’ait plus rien fait depuis des années.
Quant au scénariste de Hidden, depuis il a écrit… Rush hour et les deux "Benjamin Gates".
Ah ouais, quand même…

Créée

le 22 févr. 2013

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