Un début très prometteur : ce jardin luxuriant, ce bébé face à deux écrans relié à son père qui répare un vaisseau... Tout cela était aussi intrigant qu'excitant. Puis les scènes de Monte avec son bébé assez belles. Intéressante l'idée de situer ces gestes immémoriaux au fin fond de l'espace. La quadrichromie bleu-rouge-jaune-noir contribuait aussi à créer un climat particulier. Les corps flottant de l'espace alors que les lettres "High Life" apparaissent finalisaient cette première partie très réussie.
Et Dibs, incarnée par Juliette Binoche, apparut. Le problème n'est pas tant son personnage, plutôt bien campé, et même assez impressionnant : Juliette Binoche impose un vrai personnage de sorcière, avec son regard au scalpel et sa longue chevelue noire. Non, le problème, c'est la longue séquence qui s'ouvre - l'essentiel du film -, avec les passagers du vaisseau.
Toute une partie désincarnée, qui empêche de s'attacher à un quelconque personnage. Pour dire quoi ? C'est un peu le vide intersidéral. Pourquoi faire naître la vie en passant par l'onanisme alors que les passagers pourraient fort bien décider de s'accoupler ? Mystère. Pourquoi, d'ailleurs, faire naître la vie, dans un vaisseau qui est amené à ne jamais revenir ? Mystère. Pourquoi Boyse refuse-t-elle d'être enceinte ? Mystère.
Tout ce petit monde philosophe, se chambre ou s'agresse sans qu'on en voie la finalité. Si bien qu'on décroche. Pas assez de scènes fortes, comme celle de Dibs dans la salle de jouissance, que j'ai trouvée très impressionnante. Trop de scènes sans intérêt, comme celle du passager victime d'un AVC qui murmure à Dibs, la bave au lèvre : "suck my dick". D'accord, mais pourquoi ?
Claire Denis a-t-elle voulu nous dire que la sexualité évolue d'une façon morbide ? Quel scoop... Et c'est bien la manière de transmettre cette idée qui est en cause, entre invraisemblance (tiens, le tournevis tombe dans l'espace, pour lui spécialement il y a de la gravité ? tiens, la jeune Willow est devenue une adolescente dans un vaisseau qui file à la vitesse de la lumière - mais son père n'a pas changé, lui ?) et scènes à la limite du grotesque (Dibs juchée sur Monte pendant qu'il dort !).
Claire Denis s'est montrée plus inspirée pour Trouble every day, White material et surtout Beau travail. C'était il y a tout juste 20 ans...