C'est inspiré de faits réels, un fait divers lu dans un journal de Belgique et, selon toute apparence, très librement mis en scène par Fien Troch, après que son mari Nico Leunen l'a aidée à écrire le scénario.
C'est un portrait choral, à la Larry Clark, d'une jeunesse qui, peinant à s'insérer dans la société dont leurs parents et professeurs sont les représentants et gardiens, conteste peu ou prou le pouvoir que la génération précédente exerce sur elle.


Le film se focalise sur trois garçons (Kevin, Sammy, John) et une fille (Lina), qui apparaît un peu en raccroc, comme petite amie de l'un : Sammy (lui et elle sont dans le même lycée et même classe, je crois), puis de l'autre : Kevin, cousin germain de Sammy et qui, sortant de six mois de prison (pour faits de violence ?), est hébergé, à la demande de sa mère, chez sa tante maternelle et son oncle, lesquels ont une entreprise de plomberie où il va travailler comme apprenti (puisque, repris de justice, il ne peut plus retourner au lycée).
Le troisième garçon, John, va au même lycée que Sammy et en est le copain, mais est ou devient plus proche de Kevin au cours de l'histoire. John vit chez sa mère, femme seule qui le chaperonne abusivement. Il cherche à s'en émanciper, mais à son âge, quitter le domicile familial n'est pas évident.
Les 4 adolescents se retrouvent chez les parents de Sammy, de Lina, au sortir du lycée ou du boulot (pour Kevin), dans la chambre de l'un ou de l'autre. Ou sur un parking où ils "zonent" ensemble, font du skate, de la mobylette. Voire circulent en voiture, à deux, trois, quatre ou plus... parfois sans que le conducteur ait son permis, puisque les quatre ont seize, dix-sept ans, comme la plupart des autres lycéens de leur entourage.
Home dresse surtout le portrait des trois garçons. Ils approchent de la majorité civile, mais sont encore psychologiquement des ados. Si, entre Kevin et Sammy, le lien est d'abord familial (et n'exclut pas les trahisons diverses et variées), ce qui rapproche Kevin et John est d'un autre ordre : Kevin a un problème grave et larvé avec son père, se heurtait en permanence avec lui (et c'est pourquoi il est contraint, maintenant, de vivre chez son oncle et sa tante) et John un grave problème avec sa mère qui abuse de son pouvoir parental et lui rend la vie infernale, l'empêchant de sortir avec les copains de son âge, l'obligeant à vivre en permanence à ses côtés et... pire.
Voilà pour les fondements de l'histoire. Et puis... le drame qui couvait éclate, révélant le caractère, la personnalité et même l'avenir, au moins immédiat, des quatre ados.


Dans l'ensemble, le film est une réussite. Techniquement, cela peut paraître un peu décousu, foutraque, fragmentaire. Il y a une alternance de prises de vue "caméra à l'épaule" et de plans serrés successifs montés en "jump-cut" (je crois qu'on dit comme ça) ; ça bouge beaucoup, ça exprime la jeunesse, la vitalité, la nervosité, le désarroi de ces jeunes gens. Jamais de plein écran ; le format carré (1:1) donc assez resserré, ou le format smartphone (un rectangle étroit et vertical). Cela donne au film un côté vérité, reportage sur le vif, comme si les protagonistes de l'histoire filmaient eux-mêmes, plus ou moins maladroitement, ce qu'ils sont en train de vivre (et d'ailleurs, c'est parfois effectivement le cas : les garçons se filment les uns les autres et certaines de ces vidéos ont été insérées telles quelles dans le métrage). Le procédé peut paraître artificiel, déranger. Moi, j'ai aimé. J'ai aimé l'accent de vérité capté dans l'histoire, les tremblements de l'image, les ellipses, les trous du récit, l'effort demandé au spectateur pour le reconstituer en totalité. Ça fait film d'auteur et, pour autant que je puisse en juger, Fien Troch en est un, un à suivre.


Dans Home, elle étudie la manifestation de la jeune virilité de ces trois ados, l'attrait qu'exerce celle-ci sur leur entourage, sur les femmes de la génération précédente (les mères, notamment), sur les hommes de rencontre (par exemple, le barbu trentenaire qui, à un mariage, vient provoquer Kevin jusqu'à ce que celui-ci lui flanque un pain dans la gueule... ou encore le quémandeur de la scène qui précède le générique final).
Attrait que Fien Troch (39 ans) semble d'ailleurs subir elle-même. Elle a très bien choisi "ses" trois ados principaux. Ces trois non-professionnels assurent, sont d'une vérité criante, touchante. On s'intéresse à leurs faits et gestes, à leur histoire. On se demande ce qu'ils vont devenir ensuite (comme si ce film était la réalité). La réussite et qualité du film reposent en bonne partie sur leurs épaules (et la pertinence du casting). Enfin, j'ai trouvé la bande-son discrète et appropriée (elle évoque parfois celle de Hans Zimmer pour Dunkerque).


Je ne connaissais pas cette réalisatrice belge. C'est le premier long métrage que je vois d'elle et je l'ai trouvé bon. Neuf (le thème central de l'histoire, l'inceste mère-fils, est un sujet rarement abordé au cinéma et jamais vraiment de cette façon), dérangeant et même noir.
Fien Troch est sensible au charme des (très) jeunes gens et elle réussit un portrait saisissant de ces trois ados flamands, ces trois jeunes mâles. Leur virilité n'est jamais passée sous silence, est même montrée plus ou moins fugitivement à l'écran. Cela participe à la vérité du film, à lui donner un côté authentique et, encore une fois, dérangeant.


Selon la formule d'un critique professionnel : Home serait un "conte cruel de la jeunesse paumée". Il y a de ça, oui. Mais pour ma part, j'y ai vu, sous-jacente, une ode discrète à la virilité fraîchement éclose, en même temps qu'une analyse 1. de la fascination que cette virilité, encore en puissance mais prête à s'exprimer, exerce sur l'entourage, 2. des drames que cet état de faits peut susciter.


Enfin, est-ce une coïncidence vide de sens que le titre du film s'orthographie avec un "m" ("home", sa maison, son chez soi) mais puisse, par connotation, s'entendre avec deux ("homme") ?

Fleming
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le 15 sept. 2017

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Fleming

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