L'idée initiale de faire vivre des gens au bord d'une autoroute est déjà pour le moins déroutante (jeu de mots navrant tout à fait involontaire mais inévitable). Pour autant, au lendemain du visionnage de "l'Enfant d'en haut", c'était avec plaisir et curiosité que je me suis lancé dans ce film.
Les premières minutes confirment alors mon intuition : la gestion de la lumière, la composition bariolée et chaotique de la maison, des personnages très typés,... on est bien là face à un ovni, un véritable numéro d'équilibriste qui tient, on ne sait comment, avec une adresse remarquable !
Car oui, ce film, cette fable plutôt, assume son aspect "abusé" et en joue avec une remarquable finesse, sans jamais tomber dans un excès caricatural. Cela tient sans doute à la rigueur et au sérieux technique (j'ai beaucoup d'estime pour la directrice de photographie, Agnès Godard), à la prestation solide des comédiens - j'émets ici une petite réserve sur la benjamine, interprétée par Madeleine Mudd, mais qui se rattrape remarquablement en cours de route -, et à tous ces petits détails imperceptibles qui font du cinéma un art "mosaïqual".
Mais alors, de quoi parle le film ? Car au-delà de la situation cocasse, la réalisatrice tient un propos sérieux, bien plus sombre que le laisse supposer le début. La peur est omniprésente, de manière sou-terraine. Tous sont habités par des démons qui, du fait de la déroute, de l'éclatement de l'ordre quotidien pré-établi, surgissent avec violence et cruauté. On est loin du film gore ou angoissant, pourtant je n'étais pas tranquille, loin de là. Tout se fissure, les personnages s'effondrent... Mais parler de "dépression" serait réducteur.
Ursula Meier a là réussi un sacré coup.