Hook représente pour moi un peu ma petite madeleine de Proust que je revois de temps en temps, tout en le redécouvrant au fil des ans. Et pour cause, film sur l'enfance et le passage à l'âge adulte par excellence, il développe de riches thématiques sur le sujet tout en trouvant le bon moyen de les faire passer par l'image. Alors que chez d'autres, ce type d'imagerie enfantine à la Walt Disney a tendance à m'insupporter au plus haut point, ici Spielberg parvient à me toucher comme jamais, jusqu'à même transcender à mon sens l'adaptation qui en a été faite en dessin-animé. Bien sûr, ce film évoque les propres obsessions de son auteur, cette crainte de ne pas être un bon père, de perdre son âme d'enfant en devenant un adulte, et plus encore, de l'oubli total que représente la mort. Pour ainsi dire, il a trouvé un sujet en or avec cette suite de Peter Pan. En tous cas il sait réveiller la nostalgie en nous par rapport à l'oeuvre en question (notamment à travers des gimmicks bien connus) tout en apportant une maturité dans le traitement qu'on ne décèle pas forcément de prime abord.
On pourrait rechigner avec quelques séquences qui en font un peu trop dans le sens de la bouffonnerie (par exemple Hook parfois tourné en ridicule en vieux fou limite schizo, ou les jeux ou attaques d'enfants ultra colorés), mais c'est au fond toujours raccord avec l'univers, et la dernière ligne droite est juste énorme en termes de palette d'émotions ressenties, en passant bien sûr par cette scène où Peter se souvient de son passé et qu'il réalise pourquoi il a choisi de grandir. Le casting est aussi un point fort du métrage, en tête Dustin Hoffman, méconnaissable en Captain Hook, et Julia Roberts et Robin Williams, qui sont l'évidence même en fée Clochette et en Peter Pan. Les enfants sont également très bien et leur interprétation nous amène plus loin que la seule volonté de coller physiquement aux personnages (la scénette autour du petit black qui reconnaît le premier Peter Pan est juste magique).
Vraiment, je ne comprends pas comment ce film a pu se faire autant bâcher par le public (malgré une esthétique kitschouille qui encore une fois ne jure pas tant que ça vu le genre abordé, même pour l'époque) tant il incarne le divertissement familial par excellence tout en instillant une bonne dose de profondeur qui devrait plaire aux plus exigeants, pour autant qu'on ne soit pas trop aigris. Ce qui m'étonne aussi dans ce film, et que j'avais déjà souligné en filigrane, c'est bien sûr cette capacité qu'a Spielberg à maintenir un tel niveau d'optimisme et d'enthousiasme (qui persistera dans sa filmo jusqu'à au moins A.I. qui sera encore un nouveau tournant dans sa carrière par rapport à ses oeuvres dites "naïves"), et en même temps cette noirceur en arrière-plan venant donc se mettre en balance avec cette humeur bon-enfant générale. Les seules choses, finalement purement techniques, que je reprocherais à Hook, ce sont ses sfx qui ont parfois mal vieilli (je pense surtout aux incrustations digitales, bien que les mate painting soient plutôt jolis, et les décors en dur, toujours bons à prendre en cette période du tout CGI). Mais l'essentiel est là : l'imaginaire est bien fourni et la magie opère toujours, avec la musique inoubliable de John Williams qui fait la moitié du job.