Horsehead, c’est un film qui tient dés le départ quasi du miracle. Ce n’est une surprise pour personne, en France, il est très difficile de faire du cinéma de genre. Et au final, soit c’est nul (Sheitan, jamais je ne m’en remettrais, ou encore Martyrs et Lady Blood), soit bancal (le final de Haute Tension, Frontières et ses personnages), soit un gouffre financier (Atomik Circus, Le Pacte des Loups). Au final, les réalisateurs partent pour certains en Amérique (Alexandre Aja, qui aura eu une carrière inégale mais intéressante là-bas), d’autres persistent, et certains ne font plus rien. Et à côté, il y a ceux qui veulent y croire malgré tout. C’est le cas de Romain Basset, qui en plus de vouloir faire un film de genre, veut faire dans l’originalité. Pas de tueur ni de monstre ni d’alien, mais un film se déroulant dans le monde des rêves. Et pour réussir Horsehead, il aura dû trouver lui-même un maigre financement (150 000 euros) et se lancer dans l’aventure.
Et pour s’assurer un minimum de succès, du moins sur le long terme, il tournera son film en langue anglaise, afin de faciliter l’exportation du métrage. Bingo, puisqu’après une très discrète sortie au cinéma en France, c’est finalement les Etats Unis et l’Allemagne qui auront une galette DVD et Blu-Ray avant nous ! Bref, Horsehead avait sur le papier tout pour me séduire. Une histoire se déroulant dans le monde du rêve, permettant une narration fracturée, des images fortes, une grande liberté créatrice. En plus, on retrouve au casting dans le rôle de la mère Catriona MacColl, bien connue des amateurs pour avoir joué dans les meilleurs films de Lucio Fulci, à savoir Frayeurs, L’Au-Delà et La Maison Près du Cimetière ! Rien que ça. Le rôle principal par contre arrive entre les mains de la jeune Lilly-Fleur Pointeaux, mi française mi australienne.
D’ailleurs passé la surprise de découvrir un film français tourné en anglais avec des acteurs français, il faut bien avouer que tout ce bon monde joue très bien, et que leurs accents ne sont pas à couper au couteau, loin de là. Deuxième chose qui frappe, c’est que malgré son budget ridicule, Horsehead est un film fait avec le plus grand sérieux. Jamais le budget du film ne se remarque à l’écran, tant Romain Basset semble se donner à fond pour livrer le meilleur produit possible. Visuellement déjà, c’est absolument sublime. Entre les plans très rapprochés sur le visage de l’actrice et les nombreux plans surréalistes dans le monde du rêve, avec ses filtres soit bleutés soit aux couleurs chaudes, et ses nombreux ralentis, Horsehead est un pur plaisir pour les yeux. Car ici, tout est affaire d’ambiance, et l’ambiance de Horsehead est tout simplement envoutante. Ses plans, sa photographie, sa musique parfois étrange, parfois étonnement douce, on se croirait revenu à l’époque des films gothiques de la Hammer, ou même plutôt de la bonne époque du cinéma Italien. Impossible de ne pas y voir un hommage aux films d’Argento et Fulci entre autre !
Et comme ces scènes de rêves sont extrêmement nombreuses, pour peu que l’on adhère à cette ambiance, on se prend au jeu, mettant alors au placard les quelques défauts du film. Car oui il faut avouer qu’à forcer de vouloir nous faire errer dans la beauté plastique des rêves et cauchemars, Horsehead en oublie parfois quelque peu son propos, au final simple au possible et manquant quelque peu d’enjeux véritables. Certes, on aura une narration construction (mais simple) et une révélation finale (que j’ai personnellement vu venir), mais là n’était clairement pas la priorité du metteur en scène. Ce qui n’est au final pas un mal face au résultat final. Et le fameux Horsehead du titre dans tout ça ? Il est bel et bien présent rassurez-vous, et plutôt bien fait d’ailleurs. Le réalisateur n’abuse pas de ses apparitions justement, augmentant ainsi leur impact et rendant ce monstre pour le moins étrange crédible. De par l’originalité de son sujet et la qualité de sa mise en scène, Horsehead est à classer au niveau des bonnes surprises comme le fut It Follows, bien qu’il se fait également moins accessible.