Les larmes des Hommes

Je ne sais pas trop par quoi commencer en écrivant cette critique, tant ce documentaire, visionné hier soir, m'a absolument bouleversée. Lisant les diverses réactions ce matin des téléspectateurs, je ne peux que me dire que je fais visiblement partie de ces Candide imbéciles et bon public qu'une émotion facile voire factice emporte sur-le-champ.

Mais pour moi il n'y avait rien de faux ni de "fabriqué", comme j'ai pu le lire également.
Yann Arthus-Bertrand a fait le choix de s'effacer totalement pour laisser la parole de ces hommes et de ces femmes, s'ébattre librement, ouvrant leurs témoignages à l'universel. A ceux qui m'opposeront la longueur, la lenteur de ce film, je leur conseillerais de se laisser glisser dans la contemplation méditative de ces images, si peu de saison en 2015, à mon grand dam...

Il y a ces femmes battues qui se sont relevées après la torture, ce prisonnier qui attend dans le couloir de la mort et qu'on interroge sur le sens de la vie, ces anciens soldats dévastés par la violence vécue, ces rescapés des bombardements ou des camps de la mort au Cambodge, ces homosexuels qui n'ont vécu que dans le rejet, cet ancien militaire qui dit son envie de tuer encore, ces regards fixes qui, parfois, disent la folie ou l'obsession. Partout, la douleur, la souffrance, la mort, le labeur d'une vie absolument dramatique, la pauvreté qu'on ne peut se figurer, le sol qu'un père rejoint, abattu, ne pouvant nourrir ses enfants.

Il y a aussi ces sourires, ces peaux brillantes, ces yeux profonds - noirs, bleus, dorés - ces couleurs merveilleuses et si vives (ô la peau noire de cette beauté africaine sous son voile rose...), et les discours sur le bonheur de la famille, l'amour, la beauté du monde qui sait se montrer à ceux qui savent vraiment regarder : Yann Arthus-Bertrand a réussi le tour de force de nous montrer à quel point nous sommes similaires, tous dans la même bateau-Terre...

Deux moments m'ont renversée : celui où un père en larmes dit que seul l'Amour de l'Autre pourra sauver le monde (le bouddhisme ne dit rien d'autre, d'ailleurs) et, vers la fin, cette femme noire, qui confesse vivre dans la pauvreté et propose à ceux qui la regardent d'échanger leur vie avec la sienne, juste pour voir..

Un documentaire magnifique, servi par des paysages à la frontière du réel tant ils sont magiques (vagues, déserts, plaines de Mongolie...et cette image de fin qu'on dirait arbre de sang dans la neige, ou vaisseaux sanguins pris dans les glaces...A couper le souffle), qui délivre des vérites existentielles, métaphysiques et universelles qui dessilleront tous ceux qui prendront le temps de se laisser embarquer, de laisser leur sensibilité humaine prendre le gouvernail.

Merci, Monsieur Arthus-Bertrand, merci de nous avoir fait ce cadeau, même s'il ne se reçoit pas sans larmes...