Recommandé depuis longtemps, généralement salué, Hunger est le premier long-métrage de Steve McQueen, qui ne va pas mettre longtemps à marquer les esprits. Nous voici embarqués dans une âpre lutte qui va nous mener dans les recoins les plus sinistres de la nature humaine.


Un homme sort de chez lui pour aller au travail. Il regarde sous sa voiture, insère la clé dans le contact, la tourne, rien ne se passe. Ce n’est pas cette fois qu’une bombe explosera. L’homme est gardien dans une prison. Pendant ce temps, un autre homme fait son entrée dans cette même prison, incarcéré pour ses idées et ses croyances. Il proteste. Cela lui vaudra l’humiliation et la violence. En quelques minutes, le décor est planté. Nous sommes en plein Troubles, dans un univers rongé par la haine, la paranoïa, la souffrance et la violence. Dans la souillure, les hommes protestent, et dans ces cellules, s’écrit une page de l’histoire de l’Irlande.


L’univers carcéral est propice au développement de propos forts sur la société et l’humanité. Hunger ne fait pas exception, notamment grâce à la maîtrise impressionnante dont fait preuve Steve McQueen dans la réalisation de son film. Tout n’est que salissure, puanteur et horreur mais, pourtant, avec cette caméra, cette lumière, ce découpage, ce tout prend une forme artistique inattendue, captivante dans sa laideur. Les paroles sont économisées au maximum, laissant le silence régner pour laisser parler les images, racontant l’histoire à travers le regard de la caméra, laissant le spectateur y projeter ses propres impressions.


Tout le premier acte sera des plus avares en paroles, avant le célèbre plan-séquence confrontant Bobby Sands (Michael Fassbender) et le Père Dominic Moran (Liam Cunningham), s’étalant sur une durée de presque un quart d’heure, consistant en un long dialogue entre les deux hommes, traitant autant de choses triviales que de choses plus profondes, comme les convictions de Sands, et ce qui le pousse à mener le combat contre l’oppresseur. Jusqu’ici très taiseux, le film devient bavard, mais cela vise toujours à suivre l’objectif de départ : raconter une histoire vraie sans la dénaturer. Et, dans le troisième acte, le silence redeviendra maître, pour laisser place à l’introspection. Le corps, coquille contenant notre être, devient l’instrument du combat, portant les stigmates de la lutte, dont seule s’échappe l’âme du défunt lors de son expiration.


Il ne s’agit pas, dans Hunger, de porter un quelconque jugement. Il s’agit de parler de ce qui fut, de ce qui est, et de ce qui sera. Steve McQueen propose ici une expérience organique, viscérale, montrant le sacrifice du corps pour le salut de l’âme, l’image d’une lutte jusqu’au-boutiste et du renoncement ultime. Difficile d’être insensible à la puissance des images, parfois insoutenables, nous menant aux confins de l’humanité et de la vie, là où celle-ci n’a plus grande valeur. Un film d’une force indéniable.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 17 déc. 2019

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