Passionnant. Éprouvant. Subtile. Hypnotique. Radical. Dévastateur. On pourrait résumer le premier film de Steve Mc Queen à l'aide de nombreux superlatifs, aucun n'aurait la puissance de cette oeuvre coup de poing qui parvient à toucher en plein coeur avec une finesse extrême. Si le sujet de son film aurait pu être prétexte à une démonstration de violence racoleuse, il n'en est jamais rien avec Hunger, tant tout y transpire la justesse, son réalisateur parvenant toujours à trouver le parfait équilibre entre une volonté authentique de rapporter des faits marquants à travers des hommes qui souffrent et une pudeur nécessaire pour ne jamais faire de son propos un requiem politique graveleux.


Non, dans Hunger, l'image est intense mais jamais racoleuse, les hommes sont humiliés de part les situations qu'ils traversent mais gardent leur dignité grâce à la façon dont ils sont filmés. Et c'est cette virtuosité dont fait preuve Mc Queen, dans un premier essai qui plus est, qui rend le film véritablement impressionnant. Ce dernier esthétise l'horreur pour livrer une oeuvre à la beauté formelle indéniable, sans toutefois sombrer dans un opportunisme graphique qui n'aurait d'autre but que de mettre en exergue le propos qu'il souhaite illustrer. Ce dernier est en permanence centré sur l'humain, sur la condition de ces hommes qui sont au coeur des événements que narrent le cinéaste et l'efficacité démonstrative qu'il parvient à trouver avec la puissance de sa mise en scène n'a qu'un seul but : amplifier l'empathie que l'on peut ressentir pour les personnalités déterminées qui se partagent le cadre. Finalement, peu importent les véritables enjeux politiques en présence, c'est bel et bien leurs conséquences à l'échelle humaine qui intéressent le réalisateur, rien d'autre.


En témoigne cette narration déroutante, qui nous perd un peu dans les couloirs d'une prison dont les cellules ont rarement été aussi crasseuses, pendant une première partie dont on cerne difficilement les enjeux. Ces derniers seront livrés au spectateur lors d'un plan fixe au service d'une longue séquence dialoguée ciselée à la perfection. Ce face à face touchant sonne le basculement du film vers la grève de la faim annoncée dans le titre qui finira d'achever nos petits coeurs déjà mis à rude épreuve pendant plus d'une bonne heure. On finit la projection sur les rotules, l'estomac noué, le palpitant au ralenti.


Cette longue descente aux enfers que subit l'excellent Fassbender, dont l'interprétation incarnée apporte au film une aura indéfinissable, frôlant le génie (ne parlons pas de la performance physique proprement hallucinante), est difficile à encaisser. Et encore une fois, sans jamais sombrer dans une sensationnalisme gratuit, Mc Queen parvient à retranscrire l'horreur de la situation en dosant parfaitement ce qu'il montre à l'écran. Une véritable force, une prouesse d'autant plus remarquable qu'il s'agit de son premier film. Un nom qui se grave en tout cas dans mon esprit, un cinéaste que je vais suivre de très près et dont je vais découvrir le second film dès que possible.


Clap, clap.

oso
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le 1 déc. 2015

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oso

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