Trois hommes. Trois maris, au manteaux noirs, dans les rues de New-York. Ils font la course, marchent, discutent, dans un éclat de rire, se poussent gentiment. L'un s'arrête, pensif : "Je pars pour Londres". Un autre lui répond "Si toi tu vas à Londres, si toi tu vas à Londres, je vais à Londres". Et le troisième de finir "Allons à Londres".
Dans des scènes comme des blocs purs et entiers, étirés et épurés à l’extrême, Cassavetes filme, sans juger, analyser, chercher l'essence du comportement de ses hommes errants dans le monde, des morceaux de l'existence, d'émotion pure, brute, sans fioritures : c'est la vie en temps réelle, ses suspensions dans le vide, ses éclats, son désespoir.
Dans un bar, une femme chante. On l'arrête. Elle reprend. On l'arrête, encore. Elle reprend, à nouveau. Et cela dure, dure, jusqu'à l'infini. La caméra glisse sur la peau des hommes, des femmes, les lâche, les reprend. C'est une scène dure, intense : elle est la clé du film, sa définition. Husbands est un film qui dit la perte, qui suggère la mort attendant ces hommes, au bout du chemin, dans chaque détail, chaque visage, chaque phrase, chaque mot. Peur de vivre et mourir s'y côtoient, peur de devenir ce qu'on ne voulait pas être. C'est un bouillon de sentiments, d'émotions. Ce sont ces instants où tout s'emballe, où l'on se déchaine, où nos mouvements atteignent la plus forte intensité possible, et où peu après calme revient, les âmes et les corps s’apaisent. Où la caméra s'avance pour filmer les visages de ces hommes qui se retournent sur leur vie, jugent eux-mêmes leur déviance, leur errance, leur inutilité, leur envie de s'en aller courir sur le trottoir des rues de New-York et de partir pour Londres, leur liberté broyée, leur douceur, leur dureté, leurs mouvements étranges et incontrôlés. Puisque ce sont les mouvements qui font les hommes, Cassavetes traque, au près du moindre pli dans un manteau de noir, ce qui fait et détruit l'homme, donc, ce qui le rend si laid et si beau. C'est ça, son film. Ce n'est rien et tout à la fois. Et c'est magnifique.
B-Lyndon
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le 13 mars 2013

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B-Lyndon

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