Don't believe truth. Archie, just don't believe truth.

John Cassavetes, pour son cinquième film, convoque deux acteurs qui sont aussi ses amis, Ben Gazzara et Peter Falk, et s'immisce lui-même devant la caméra pour former un trio d'hommes, attention je vais gâcher le suspense, ...mariés.

Ces trois buddies viennent d'enterrer leur quatrième copain, qu'on aura l'honneur de ne voir qu'en photo, et visiblement, ils le vivent assez mal ; du coup, sur l'initiative d' Harry (Ben Gazzara, traqué par la calvitie précoce), ils ont la riche idée d'aller se bourrer la gueule pour faire passer la pilule. C'est la première partie du film (oui, une heure de mecs qui se bourrent la gueule, ça peut sembler long... ou pas), jusqu'au retour à la vie normale, maison, femme, boulot... Seulement Harry s'en accommode moins bien que ses deux compadres, et les pousse à l'accompagner pour Londres, dans un voyage bizarre et hautement culturel.

Cassavetes réutilise ici la recette à laquelle il est fidèle depuis le début de sa carrière et qui l'a révélé à l'occasion de son précédent film, l'excellent Faces : liberté de champ totale aux comédiens, caméra discrète au cœur des échanges, situations fréquentes de conflit et de séduction...
Encore une fois, l'écriture des personnages de Cassavetes est fantastique, ces trois hommes entre deux-âges, confronté au deuil, à l'échec (la carrière sportive pour Gus -Cassavetes, rescapé de justesse du nanisme- ; le mariage pour Harry...) qui veulent juste décompresser entre potes et qui se retrouvent à ne plus pouvoir rebrousser chemin, sont de magnifiques anti-héros, détestables et terriblement attachants simultanément (le "concours" de chanson, Archie -Falk, et son œil rebelle- et la chinoise...) et surtout totalement identifiables.
Le travail des acteurs est encore une fois au-dessus de tout reproche, seul le personnage de Cassavetes est un peu en retrait, à cause de ses fonctions de filmeur et d'une part et éclipsé par l'incroyable présence de Gazzara et le charisme de Falk d'autre part. Leurs improvisations partent quelquefois au-delà du contexte du film, on voit des amis et non plus des collègues ou des personnages qui attrapent un fou-rire et se demandent ce qu'ils font là, mais la densité des interprétations est telle que Falk pourrait ressortir un texte de Colombo, on y verrait que du feu.

Les reproches qu'on peut formuler tiennent avant tout dans la mise en scène, moins inspirée qu'à l'accoutumée (quand Cassavetes fait le guignol devant la caméra, forcément il est pas en train de pondre un angle de génie) ou dans ce côté elliptique qu'on ne retrouve pas dans ces films précédents, et qui nuit à la cohérence du récit, et peut-être à des situations qui sont plus personnelles, moins universelles que dans Faces et donc un peu moins impressionnantes de justesse relative.

Cassavetes donne, malgré des onces de bouts de micro-défauts, un film intense, marqué par un trio de comédiens magnifiques, magnétiques ; une variation, et je cite le maître, "sur la mort, la vie et la liberté", parfaitement maîtrisée, qui donne envie d'être vivant, libre et peut-être même mort.
lucasstagnette
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le 7 août 2011

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Lucas Stagnette

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