Ce film est un petit miracle, ne serait-ce parce qu'il a été retrouvé par hasard au Taïwan Film Institute ; quelques bobines oubliées là d'un film qui, censuré et mal aimé par le pouvoir Taïwanais, a finalement été rayé des mémoires. I didn't dare to tell you n'est pas même sorti à Taiwan, ni en 1969, ni encore aujourd'hui.
Mou Tun-Fei avait alors la prétention de révolutionner le cinéma de Taïwan, qui se complaisait à ne sortir que des films commerciaux, romances ou films de sabres. Le cinéaste voulait inscrire le cinéma de son pays dans le quotidien, dans le réalisme ; il est tout à fait normal que le film s'inscrive dans une mouvance néo-réaliste ou dans le cinéma des premiers Ozu (Gosses de Tokyo par exemple).
I didn't dare to tell you concilie, dans un équilibre fragile qui fonctionne étonnamment bien, un drame social (un enfant obligé de travailler la nuit pour aider son père à régler ces dettes), une vision attachante du monde de l'enfance, le portrait d'une jeunesse qui hésite entre suivre les évolutions libertaires des années 60 et rester dans le conservatisme d'une société qui formate les esprits et privilégie les têtes bien pleines aux têtes bien faîtes (fiancée à un artiste très libre, la maitresse perd de sa rigidité, en changeant son attitude auprès des enfants). Est-ce dernier point qui a déplu aux autorités taïwanaises ou la vision noire d'une pauvreté qui gangrène le peuple et l'empêche d'accéder aux lycées ? Les deux probablement, d'autant plus que la violence - passagère - du père sur le fils n'est pas édulcorée et fait passer un temps le drame à la tragédie.
A la fin, a donc été rajouté, suivant les recommandations du pouvoir, un épilogue souriant, ripoliné, totalement déconnecté du ton, juste, du reste du film. Ce bémol n'entache en rien le reste du film ; I didn't dare to tell you mérite vraiment d'être découvert. En attendant, victime de la censure (et voyant son film interdit de sortie), Mou Tun-Fei, après un second film également censuré, s'est exilé à Hong Kong où il a eu une petite notoriété en réalisant des films d'horreur.