Au départ, il y a un lieu : l'Emmaüs de Pau, endroit magique où des tas de rebuts de notre société ont été rénovés pour de nouveaux usages au service d'une communauté qui aide les démunis à s'équiper avec de la récupération.
En partant de ce lieu, Delépine et Kervern inventent l'histoire hautement improbable d'un arriviste psychotique qui vient voir sa soeur, obsédé par l'idée de devenir le nouveau Bill Gates. Son business plan ? Monter un service low-cost de chirurgie esthétique à destination des pauvres, qui sont moches, en visant notamment les bénévoles d'Emmaüs.
Il arrive à en embrigader, mais au final ils avouent qu'ils l'ont fait pour faire plaisir à la soeur, laquelle se retrouve accidentellement sur le billard. Quant au cadre, un accident de voiture le défigure, et accidentellement, on reconstitue son visage en lui donnant celui de l'Abbé Pierre. Cette expérience l'amène à comprendre que l'économie solidaire, c'est bien.
La musique du film est un peu entêtante et énervante : il s'agit du même riff d'accordéon répété ad nauseam. J'ai trouvé la première moitié assez laborieuse. Evidemment, on ne peut pas détester un film social qui tourne dans un cadre si sympathique et fait exprès de donner l'écran à des acteurs marqués par la vie. Et Dujardin joue bien, on ne peut pas le lui reprocher. Mais l'alchimie ne prend pas vraiment, on a l'impression de voir une série de saynettes improvisées plutôt qu'une comédie solidement charpentée.
Dans la deuxième partie, le film trouve son rythme de croisière, et le goût de l'insolite au sein du quotidien des auteurs s'exprime, avec la scène du voyage en camion, de la magnifique Logan-limousine faite maison, de la visite du mausolée communiste. On sent aussi que les auteurs ont beaucoup goûté la poésie de l'Emmaüs de Pau, bien réelle.
Mais dans les dix dernière minutes, on bascule dans deux scènes gores et violentes qui prennent complétement par surprise (la scène du pare-brise était assez insoutenable).
On peut donner au film le bénéfice du doute, surtout si on a une bonne résistance au mauvais gôut, mais c'est un peu brut de décoffrage.
A noter que le film est grinçant, contrairement à ce que suggère son titre, n'y allez pas en pensant que vous ferez des claquettes une fois venu le générique de fin. C'est chaud, c'est touchant, ça joue sur une forme de malaise même, mais ne pensez pas que vous danserez la lambada.
Je suis tout de même heureux que ce genre de film existe, car il sort des cadres prédécoupés des histoires actuelles. Il manque juste un souffle pour que cela soit vraiment mémorable. Je sais que ce que je dis est assez sibyllin, mais j'ai du mal à préciser. C'est peut-être une certaine cohérence dans le découpage des scènes, dans leur enchaînement, voire dans l'esthétique qui aurait pu donner à ce film un poli qui l'aurait rendu vraiment jubilatoire.
I feel good est un film pas inintéressant, qui trouve son rythme dans sa dernière partie et aborde des sujets touchants, mais auquel il manque ce quelque chose qui vous fera dire "j'ai bien envie de le revoir, celui-là".