Ceux qui commenceront le film sans avoir lu le manga auront le plaisir de la découverte du sujet grave, profond et passionant qu'il aborde. Ceux qui auront d'abord été fans de la bande dessinée auront une certaine déception car, comme on pouvait s'y attendre, Tomoyuki Takimoto a été contraint de faire des choix, voir des sacrifices pour convertir un manga qu'on aurait mieux vu adapté en mini-série.
Petit rappel, le manga se compose de dix tomes, chacun d'entre eux étant constitué de deux histoires, s'y ajoute une trame de fond qui fait le liant et donne un surcroit d'intérêt à l'ensemble. L'Ikigami est un préavis de mort remis à une personne sur mille entre ses 18 et 24 ans, celle-ci ayant été vaccinée à son entrée en primaire et ayant reçu par hasard une nano-capsule qui provoquera sa mort, ce processus s'inscrit dans le cadre de la loi pour la sauvegarde de la prospérité nationale.
C'est sur ces petites histoires individuelles, et presque uniquement sur elles, que le film choisi de s'attarder, oubliant totalement cette face du film dans laquelle une résistance tente de s'organiser face à un État devenu totalitaire et ne souffrant pas l'opposition. Il est évident que transposer un manga qui avait un format de série dans un long métrage imposait de trancher. Il est très probable qu'il aurait mieux valu être beaucoup plus créatif en s'éloignant un peu plus de la bande dessinée, tout en en conservant l'esprit et être finalement plus imaginatif avec un scénario qui n'aurait fait que s'en inspirer.
Le début est pourtant prometteur, les acteurs sont plutôt bons, transmettent parfaitement l'émotion de l'injustice face à une mort aveugle, hasardeuse et impitoyable. Le film apporte même quelques petits plus qu'on ne trouvait pas dans le manga et exploite jusqu'à l'insupportable la douleur des victimes et de leurs proches. Il faut voir cette maîtresse rondouillarde aux joues roses parler à ses élèves de six ans du bonheur qu'ils auront s'ils meurent pour la Nation et eux de manifester leur joie à cette idée, glaçant... Seulement plus le temps passe, plus on commence à se lasser de toutes ces larmes, plus on a besoin de voir des citoyens se dresser devant toute cette bêtise. À un quart d'heure de la fin (sans rire!), les événements semblent vouloir se décanter et on nous jette au visage, à la va-vite, quelques fonctionnaires rigides et très antipathiques et une allusion très floue à une vague d'opposition puis dans l'opinion puis, fin...
Pourtant il y avait matière à faire mieux, un vrai travail ayant été fait sur les silences, la bande originale est très peu présente, laissant la place à la méditation, la réflexion et l'introspection. La caméra prend son temps, contemple la douleur et les larmes, les décors sont sobres et sombres et rappellent un univers soviétique gris et désespérant. Malheureusement, comme il n'est pas simple de trouver ce film en version originale, on nous inflige un doublage français apocalyptique et qui rappellera soit celui d'un vieux film pornographique soit, plus proche de nous, celui des telenovelas venues d'Amérique du sud et que France Ô juge intelligent de placer dans sa grille.
Du bon et du beaucoup moins bon dans ce film, victime d'un très mauvais choix dans sa narration et qui aurait mérité probablement un peu plus d'ambition, beaucoup plus de courage et donc, d'un réalisateur avec plus d'expérience. Le mieux reste peut-être de voir le film pour attiser la curiosité et de lire ensuite le manga, la déception sera moins grande et la découverte plus captivante.