Curieux exercice que de critiquer Il faut sauver le soldat Ryan, puisqu'il s'agit en réalité de noter deux films distincts.
Le premier, un des meilleurs films de tous les temps, est un court-métrage d'une vingtaine de minutes au cours desquelles rien n'est épargné au spectateur, mais où tout sonne vrai, jusque dans les détails des équipements. Il faut vraiment être tatillon pour relever les erreurs historiques.
Le second, lui, est, sous des formes de film de guerre, un western/film d'aventures où il s'agit, en gros, de traverser la vallée de la mort et affronter des Indiens hostiles pour délivrer la femme du fermier retenue prisonnière par des desperados. Et, ce film-là, malgré un casting 3 étoiles et une photographie toujours impeccable, non content d'être truffé d'erreurs historiques (des Tigre et des SS dans le secteur Omaha avant le 15 juin, par exemple), géographiques (la Normandie et ses fameux moutons à tête noire, les pommes mûres en juin), militaires (des P-51 pour taper des chars, mais quoi le foutre?), repose surtout sur un postulat de départ d'une rare absurdité: Ryan étant le dernier d'une fratrie tombée au front, l'armée américaine fait une application immédiate, littérale et irréfléchie, d'un article du règlement militaire (datant probablement de l'époque où ça se résumait à ramener chez lui du Mississippi un p'tit gars du Wisconsin, si jamais cet article a existé) qui stipule que le dernier survivant est levé de ses obligations militaires et doit être ramené chez lui.
C'est ainsi que, alors que la situation opérationnelle est loin d'être stabilisée (après une halte sinistre à Tulle et à Oradour, la SS PzD Das Reich remonte vers le Nord) et que, stratégiquement, on est à un point de bascule, l'état-major décide de mettre en danger, voire sacrifier, une demi-douzaine de ses meilleurs hommes (les Rangers sont des troupes d'élite) pour s'infiltrer sur les arrières ennemis et en ramener un certain Ryan, dont PERSONNE n'a moyen de savoir s'il est encore vivant!
Honnêtement... vous menez une bataille stratégiquement décisive, mais tout demeure incertain, les renforts arrivent encore au compte-goutte, et vous savez qu'une contre-attaque potentiellement musclée vous pend au nez. Vous envoyez à la mort une escouade de vos meilleurs hommes pour aller rechercher un soldat qui est peut-être mort avant même d'avoir touché le sol français?
Moi non plus.
Ce second film ne fait qu'illustrer le postulat rappelé dans le titre de cette critique, et qui marche bien mieux dans La liste de Schindler qu'ici.
Enfin, par charité, je ne m'attarderai pas sur la conclusion patriotique-lacrymale tentant de justifier par une vie lambda une prise de risque qui a sans doute (mais, le film ne le précise jamais) coûté la vie à de nombreux américains, à qui les Rangers du Capitaine Miller ont pu cruellement manquer.
Nous disions donc: 3pts pour le court-métrage, plus 1pt pour le casting, et encore 1pt pour la réalisation, le compte y est.