C’est une vague de meurtres en Allemagne, de 2000 à 2009, contre des personnes d’origine turque par les membres du groupe néonazi Nationalsozialistischer Untergrund, qui a inspiré Fatih Akin pour son nouveau film. Katja perd son fils et son mari lors d’un attentat à la bombe. La police pense d’abord à un règlement de comptes entre clans et communautés lié au passé de trafiquant de drogue de Nuri, avant de comprendre que les néonazis sont impliqués dans cette attaque xénophobe. En trois parties (l’après-attentat, le procès, la revanche), Akin décrit le cheminement de Katja, entre douleur brute et sentiment d’injustice, dans une logique qui dépasse tout sens, tout raisonnement, presque primale, et qui semble même irréaliste tant Akin a du mal à étoffer son scénario, à le rendre plus pertinent.


La chronique sur le deuil de Katja (Diane Kruger, sans filet et sans maquillage, est impressionnante) est la partie la plus réussie, rêche et intense, avant que le film ne vire au film de procès poussif, puis au revenge movie franchement bancal. Trop souvent dans la démonstration, In the fade y va avec ses gros sabots (l’acquittement improbable, l’avocat des deux nazillons qu’on dirait échappé d’une soirée SS, la famille forcément idéale de Katja avec moments de grâce et de bonheur en flashbacks appuyés…) pour dire le mécanisme implacable de la haine et de l’extrémisme, et les conséquences (les ravages) qui vont avec.


Que cherche (maladroitement), que veut nous dire Akin lors de cette scène finale controversée (et sans, a priori, cautionner les agissements de son héroïne, mais l’accompagnant jusqu’au bout de sa démarche), si ce n’est que chacun(e), parce qu’il y a un instant propice, parce qu’il y a des paroles, parce qu’il y a une colère et une frustration, parce qu’il y a quelque chose qui, soudain, déplace tout principe de réalité vers un point aveugle, un terrain vierge, une "conscience" altérée, suivra un chemin qui n’appartient qu’à lui, prendra une décision qui ira au-delà de la morale et de la compréhension des autres. Et parce que c’est un processus purement, terriblement humain. Pas excusable selon les cas, mais simplement humain.


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mymp
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le 17 janv. 2018

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