Difficile de ne pas penser à Sixième Sens quand on aborde Incassable, tout d'abord parce qu'après un tel succès Shyamalan avait une pression entre les critiques dithyrambiques et une forte attente du public ; et puis parce que c'est le deuxième (enfin en quelque sorte) d'une série de films qu'il a plus ou moins maîtrisé.
Si on reconnaît le style du réalisateur, sa mise en scène n'étant plus à mettre en doute, en atteste ce dialogue en plan-séquence filmé à travers les fauteuils d'un train, on sent une sorte d'entre-deux, on retrouve Sixième Sens, tout comme on sent les projets à venir : la silhouette d'un Bruce Willis en capuchon rappelant étrangement celle du Village.
Sur la forme on sent aussi la volonté de Shyamalan d'essayer quelque chose de nouveau, après tout on est bien avant la conquête de Marvel et de ses comics sur la planète Hollywood. Avec son histoire simple de la naissance d'un super-héros qui s'ignore, le réalisateur instaure bien une croyance dénuée de toute religion, dans un fantasme que beaucoup de jeunes américains ont du nourrir dans leur enfance par le biais des comics.
Le problème c'est qu'en installant son héros dans un quotidien somme toute banale, en l'ancrant dans notre réalité (beaucoup plus qu'un Nolan ne le fera plus tard) le genre s'étiole un peu et perd de son dynamisme. C'est un rythme lent, enchaînant les plans d'un David Dunn se posant des questions sur ses aptitudes, le problème c'est que la naissance est ici assez longue. Le film impose une aura (l'ambiance c'est quand même l'atout majeur de Shyamaln) dans laquelle le spectateur se laisse porter sans plus d'implication.
Outre la théorie du bien et du mal, s’opposant dans les comics par le super-héros contre le méchant suprême, rappelant par moment l'ambivalence qui existe entre Batman et sa bande de méchants (l'un ne va pas sans l'autre) ; le film peine à me faire entrer dans sa pesanteur, dans cette naissance et dans un renouveau du genre. Sans compter que la découverte du don s'accompagne d'un méchant tueur assez caricatural.
Si le film réussit à esquiver toute forme de religion, s'appuyant plutôt sur la base du héros de BD, il ne me convainc guère sur son sujet (je ne suis pas portée sur les super-héros).
On sent la patte lourde du réalisateur, son ambition d'un film plus personnel mais aussi la pression d'un cadrage qui lui a ouvert les portes du succès.
Incassable recèle un réel renouveau (on connaît maintenant l’envie du réalisateur de s'essayer à différents genres) mais malgré un twist final toujours réussit, bien qu'il ne s'agisse ici pas vraiment d'un retournement, le film perd de son originalité dans son rythme

et dans son ambiance.

LuluCiné
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le 11 janv. 2016

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