Inception par Frankoix

Une Rolls-Royce déguisée en bulldozer.

Sur le papier, tout promettait le prodige: un sujet extrêmement original, un scénario complexe et alambiqué, un casting luxueux et un Christopher Nolan auréolé du triomphe de son "Dark Knight". Et ce n'est qu'une demi-réussite: la réalisation est parfois brillante, toujours passionnante, mais le film souffre d'obéir aux pires recettes des blockbusters américains: une musique omniprésente et assourdissante (Hans Zimmer est définitivement le maître de la bande-originale lourdingue et sans la moindre subtilité), des effets sonores exténuants (les poursuites en voitures achèvent de détruire sereinement nos tympans déjà bien fragilisés) et, sur le fond, une psychologie très sommaire des personnages (les thèmes des relations père/fils et de l'histoire d'amour tragique sont universels mais exigeaient une perspective nouvelle, innovante, à l'image des fulgurances plastiques des effets visuels). La distribution reste dynamique et bien dirigée, mais certains acteurs d'immense talent (Michael Caine et Pete Postlethwaite, pour ne citer qu'eux), sont réduits à une poignée de scènes de figuration.

Néanmoins, l'atmosphère anxiogène et le rythme incroyable de l'action (pas une seule minute de répit en 2h28) séduisent et retiennent notre attention avec un savoir-faire indéniable; on ressort de la projection en état d'épuisement avancé, mais avec l'envie perverse (disons-le, assez masochiste) de revoir le film, pour en saisir toutes les composantes, pour rejoindre encore une fois cet univers tumultueux, très dense.

En cédant aux clichés du moule hollywoodien, Christopher Nolan est passé à côté du chef-d'œuvre... mais "Inception" nous offre, sur sa route tortueuse, d'authentiques plaisirs de cinéma.