Comme ce film pousse le vice inhérent et indécent jusqu'à durer deux heures et demie, je suggère de n'en visionner qu'une petite moitié. Juste la première moitié. C'est d'abord plus pratique. C'est surtout bien suffisant.
Inherent vice se calque sur les vieux films de détective en noir et blanc, d'après les romans de Jeff Chandler interprétés par des acteurs monolithiquement blasés façon Robert Mitchum. Il y avait toujours une voix off dont la logorrhée avait pour mission de compliquer des situations simplissimes (faute de quoi on aurait deviné la fin de l'histoire avant la cinquième minute), et il y avait aussi --obligatoirement-- des répliques à l'emporte-pièce qui faisaient éclater de rire l'unanimité des spectateurs, dont la moitié en toussaient à pleins poumons car ils fumaient dans le noir (Idiot mais pas encore interdit).
C'était avant La Dernière séance chantée par Monsieur Eddy.
On devine donc la jubilation des spectateurs seniors (ainsi que d'une partie des moins vieux qui ont néanmoins fréquenté les ciné-clubs) en retrouvant, 60 ans après, cette atmosphère Noir&Blanc dans un film récent vivement coloré au néon.
On éclate encore de rire au détour de dialogues à l'ancienne (quand le détective privé recherche le consensus en déclarant "Vous et moi, on fait le même métier", et que l'impénétrable agent du FBI rétorque "Arrêtez les insultes", on croirait entendre Bernard Blier répliquant bouche en biais à un jeune Belmondo sucre et miel).
Mais la jubilation des papys ne va pas durer aussi longtemps que les impôts ou la recherche d'immortalité via les cellules-souches. Le rappel humoristique du bon vieux cinoche ricain, c'est juste la première heure du film. Après...
Après, ben... c'est le cimetière des films inconséquents.
Y'a plus l'humour d'autrefois ; y'a plus le clin d’œil à un cinéma jadis culte. Il ne reste que l'enquête-prétexte. Et comme, franchement, je m'en tamponne depuis le début, de cette enquête-alibi, j'arrête ici ma critique.
A s'en tenir à la première mi-temps, j'aurais voté 8 étoiles sans hésiter. Après la seconde mi-temps et les interminables prolongations, je suis magnanime, limite pusillanime, en accordant le score nul, c'est-à-dire 5 sur 10. Mais entendons-nous bien: la note de 5 ne doit pas dissuader d'aller voir cette reconstitution des bonnes vieilles toiles d'antan. Il suffit de régler le vibreur de son phone à une heure de délai. Grâce à cette sortie judicieusement prématurée, on gardera en bouche le réjouissant goût d'avoir tasté (par le souvenir ou l'imagination) une sacrée recette de nos grands-pères revisitée à la sauce d'aujourd'hui.