Sans avoir vu la bande-annonce et à la seule connaissance du synopsis et de l'affiche, j'avais peur de tomber sur un film très ''hipster'' et prétentieux, même si cela m'étonnait un peu des Coen. De la folk, des barbes et un chat, il faut avouer que ça porte à confusion : mais non, ce film, ce n'est pas du tout ça, ou du moins pas QUE ça.

Je ne me suis pas ennuyée, mais scène après scène, une question me taraudait : ou va-t-il ? Ou va Llewyn, ce musicien vaguement antipathique, qui traine dans les brumes du Greenwich Village, un chat et une guitare sous le bras ?
Et bien, nul part. Et c'est l'intérêt (ou l'inconvénient) de cette histoire.

Inside Llewyn Davis, c'est un film sur les possibles. Les choix non faits, les occasions qu'on laisse passer. Ces possibles prennent différents visages: un enfant caché, la création d'un trio, un contrat potentiel, des rencontres... Et à chaque fois, Llewyn fait marche arrière, et s'enfuit. De canapé en canapé, de New York à Chicago, puis de Chicago à New York, il évite, s'éloigne, esquive. Et ce qu'il fuit, c'est probablement la mort tragique de son partenaire de scène, toujours évoquée à demi-mots, mais qui produit chez lui des réactions épidermiques. C'est du moins pour moi la seule raison expliquant l'immobilisme de Llewyn, et l'aspect cyclique de ce film, parfaitement représentée par la répétition entre la première et la dernière scène. La mort de son ami semble en effet avoir mis un terme non seulement au duo de folk qu'il faisait avec Davis, mais aussi à la vie de Davis lui-même.

Ce personnage est d'une passivité parfois exaspérante, qu'on pourrait prendre pour de la prétention ou de la lâcheté, et c'est peut-être ça qui me l'a rendu antipathique au premier abord. Cependant, Llewyn me paraît en fait profondément tragique et en contradiction avec lui-même : il voudrait faire autre chose que ''simplement exister'', comme il le dit à sa sœur, et ce à travers la musique, mais finalement il rejette ses ambitions et prétend ne chanter que pour l'argent.
Il se laisse donc errer, et nous arrache parfois un sourire, lorsqu'il se prend d'affection pour un chat ou lorsqu'il se joint à un Justin Timberlake méconnaissable pour jouer un morceau déjanté.

D'un point de vue esthétique, rien à redire, du grand Coen : l'ambiance de l'époque est là, et les plans sont parfaits. On passe du métro aux couloirs étriqués des appartements du Village, du bureau minuscule d'un producteur magouilleur au petit bar ou chante notre personnage... Même visuellement, il semble que Llewyn n'a pas d'issue, il est déjà enfermé, prisonnier d'un destin qui lui échappe.
Concernant la BO, c'est tout simplement un plaisir de retrouver l'univers folk déjà abordé dans O'brother.

Pour conclure, on pourrait d'ailleurs dire que Inside Llewyn Davis est le pendant négatif d'O'brother, idée lancée par le nom du chat, ''Ulysse''. En effet, si O'brother est une quête homérienne ou le personnage finit par retrouver son foyer, Inside Llewyn Davis, c'est la quête inachevée et inachevable d'un personnage bloqué par ce qu'il est et par ce qui lui arrive.
VoodooChild
7
Écrit par

Créée

le 7 nov. 2013

Critique lue 270 fois

2 j'aime

VoodooChild

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