Une fois de plus, les Coen font mouche.


L'histoire simple d'un Sisyphe moderne, nourrie par l'ambition de vivre de son art folk, tourmenté par la mort de son partenaire de scène, incompris par sa famille et obligé de vivre aux crochets de ses plus ou moins amis.


Sur le plan technique, peut de remarque, les frangins assurent, une habitude. Le film profite d’une lumière fatiguée, vaporeuse. Elle insiste sur les yeux de l’excellent Oscar Isaac, sa chevelure en bataille et sa silhouette pleine. Les couleurs sont désaturées, fatiguées elles aussi, comme après plusieurs passages. Les transitions couleurs chaudes/froides sont nuancées et il se dégage une incroyable douceur de la photo. A l’instar de la musique folk, les images sont reposantes et mélancoliques.


Le casting assure, le ton est juste. Pas de cabotinage, même de la part de John Goodman qui porte pourtant un rôle tentant. Oscar Isaak est plus que crédible en looser folkeux, sa voix oscille entre force, justesse et fêlure. Du tout bon.


Llewyn Davis traverse le film, un road movie sur un manche de guitare. Tout au long du film, on le voit monter la gamme pour redescendre finalement sur la case départ. Se film parle de solitude, d’abandon, de mélancolie. Llewyn, abandonné par son partenaire de scène, suicidé. Méprisé par sa sœur, rejeté par son père, ancien pécheur et célébrité locale. Malgré tout, le lien existe avec ce père. On le devine deux fois, en agresseur qui vient frapper Llewyn à la fin de son micro concert au bar. Tous deux vivent en manipulant des cordages, et en chantant. Un lien qui semble ténue mais qui se révélé étonnement fort lors de la scène où Llewyn chante dans la chambre de son père.
Llewyn et son alter égo félin. Ulysse, le chat roux, reflet griffu de notre guitariste bouclé. Un chat qui fuit, qui change de sexe (incertain de son identité, de sa personnalité ?) qui se perd, se voit blessé et s’en retourne chez ses maîtres. La boucle est bouclée. Après une odyssée où il rencontrera même le cyclope de O’ Brother (merci M. Goodman), notre chat/guitariste, débarrassé de ses espoirs d’évasion/élévation retrouve son coussin insipide mais rassurant.
Llewyn Davis, que l’orgueil poussera à ignorer un fils surprise pour tenter une ultime audition. Raté. Un mauvais fils peut-il faire un bon père ? Llewyn pense que non est laisse cette route enneigée loin sur sa droite. Son art l’oblige à survivre. C’est l’histoire d’un homme médiocre, dans ses choix et son talent. C’est l’histoire d’un homme égoïste, mesquin et profiteur. C’est l’histoire d’un homme.

Alyson_Jensen
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le 8 mai 2014

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Alyson Jensen

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