Le monde étrange des frères Cohen

D'un film à l'autre, les films des frères Cohen peuvent être très accessibles, ou au contraire déconcertants.

En regardant Inside Llewyn Davis, on se demande où veulent en venir les réalisateurs : le film nous transporte au milieu de la vie d'un chanteur de folk songs sans vraiment de point de départ ni de point d'arrivée. Sa vie est dure, un brin désespérée, son monde semble flotter dans une Amérique remplie de personnages plus ou moins artistes et difficiles à cerner. On l'accompagne d'un coin de la ville à l'autre sans vraiment savoir où l'on veut en venir. Mais une fois le film terminé, on ressort avec l'impression d'avoir vu un très bon film tout a fait cohérent et qui a bouclé sa boucle.

En fait, le film est davantage un portrait qu'une histoire : le portrait d'un homme sensible et précaire dans un monde ingrat et musical. Au delà du personnage, le film est aussi un portrait de cette société de musiciens de Greenwich Village, déshabillé de ses mythes et illusions pour une réalité sociale moins drôle.

Dit comme cela, cela pourrait paraître déprimant. Et si la vie du chanteur peut l'être, le film est loin de l'être grâce à sa fantastique narration et la capacité des Frères Cohen à introduire une bonne dose d'étrangeté à l'écran : une amante qui n'appelle le héros que "asshole", un chat compromettant, un chanteur militaire incompréhensible, un producteur de jazz désagréable, un partenaire disparu mais omniprésent... et surtout Llewyn Davis qui est assez trouble son rôle de musicien ballotté par la vie et formidablement incarné par Oscar Isaac. Chaque personnage est un mélange d'émotions atypiques qui les rendent tour à tour antipathiques ou fascinants. C'est là le grand talent des frères cohen.

Au final quand le film se termine, on ne saurait pas exactement raconter ce qu'il s'est passé dans le film, mais on a la très nette impression d'avoir vu, entendu et ressenti ce que "like a rolling stone" signifie.

Un très bon film en somme, et un plaisir à regarder.