Dark Insidious (alerte: il se pourrait que deux ou trois spoilers se soient glissés dans le texte)

S'il y a un topos qui court aussi vite dans le cinéma d'horreur que la blonde évaporée en mini-short en jean ou que le foyer uni qu'on va pas tarder à désunir à grands coups de hache, c'est bien le gamin possédé par les forces du Mal. Pas de blonde évaporée dont on va tronçonner la plastique ici, mais on a bien la petite famille heureuse en proie aux pires persécutions du malin, et l'enfant possédé à ceci près que lui-même n'est pas spécialement maléfique (à une scène près, il l'est simplement autant que ses congénères du même âge qui parlent trop fort dans les trains, Regan tu peux aller te rhabiller). Ce qu'on a ici en fait c'est une relecture (et pas un plagiat contrairement aux dires des mauvais coucheurs) du Poltergeist de Hooper: différence notable d'entrée cependant, la petite fille de Poltergeist est devenue un petit garçon, et ce sans pénoplastie par ailleurs à peu prés impossible pour la chirurgie actuelle selon les spécialistes. Pour ce qui est des similitudes en revanche: comme la famille du classique de Hooper, celle d'Insidious vient d'emménager dans une nouvelle et grande maison, située au coeur d'une zone pavillonnaire assez chicos; là aussi, le malaise s'installe au moment où des cartons et des objets se déplacent sans raison; des interférences aux accents diaboliques renforcent encore la dramaturgie (sorties de la télé dans Poltergeist, d'un talkie-walkie, le nom adéquat m'échappe, placé dans la chambre de Bébé dans Insidious); l'intrigue consistera dans les deux films à reprendre contact avec un enfant perdu dans une dimension parallèle (carrément l'Enfer dans Poltergeist, le "Further" dans Insidious, c'est-à-dire l'Enfer) grâce au soutien d'une équipe de joyeux allumés composée de deux techniciens (rôles secondaires remplis à merveille d'ailleurs, surtout pour le côté Auguste et M. Loya chassent les fantômes) et de leur patronne, une médium voire exorciste du troisième âge (le personnage est pour le coup plus plat ici que celui de la naine badass de Hooper); enfin on relève les mêmes dissensions dans le couple naissant sur les bases du rationalisme de Papa et de l'exaltation de Maman (demi exaltation, parce qu'elle est pas si conne que ça Rose Byrne alias Renai dans le film).
Là où ça pêche dans Insidious par rapport à Poltergeist (et encore c'est vraiment affaire de point de vue) c'est que ce dernier était finalement moins un film d'horreur qu'une chronique familiale autour du deuil d'un enfant, drame familial s'il en est; tandis que le film de James Wan fait le choix de la peur et de la quête personnelle de l'un des personnages. Mais j'aurais des scrupules à blâmer ce choix de la part d'un cinéaste (et un bon cinéaste, c'est aussi l'auteur du premier Saw) qui réalise un film d'horreur. Pour clore le chapitre "analyse comparative", on peut remarquer que la fin rappelle bougrement le livre "Simetierre" (sic) de Stephen King, qui raconte d'ailleurs aussi la recherche d'un fils par son père par delà la mort.

Bref, on va pouvoir passer à la critique d'Insidious à proprement parler. on appréciera le jeu sur les clichés et le pas de côté vis-à-vis de ceux-ci par James Wan et ses acteurs: la belle-mère n'est pas chiante mais plutôt compréhensive au contraire, la femme (au foyer certes, artiste certes, compositrice de chansons et bluettes pianotées assez merdiques certes) n'est pas une petite chose fragile et ne tombe pas dans l'hystérie caractérisée, et elle a du mérite! Le père, Josh, qui, lui, travaille bien sûr, et tente de protéger les siens en jouant les mâles dominants quand le besoin s'en fait sentir, n'est pas exempt de tout reproche, sa femme (Renai donc, vous me suivez?) l'accusant même de lâcheté à demi-mot. D'autres clichés sont évités et soigneusement évités mais là je fatigue sur le sujet donc je passe.
L'intérêt du film, en dehors de l'originalité du traitement du matériau de départ, repose pour beaucoup sur la construction habile du crescendo. En effet, on part des portes qui grincent et s'ouvrent sans qu'on leur demande rien (bon celui-là ils ne l'ont pas évité mais sans cliché comment reconnaître un film d'horreur? Comment reconnaître un film? Une oeuvre d'art?) et ça monte ça monte... Longtemps Insidious opte pour la mise en scène reine, mais sous-exploitée, des films d'horreur, c'est-à-dire la suggestion plus que la monstration. Quand on verra les "gens" qui ne sont pas censés être là, on sera déjà les deux pieds dedans. Les scènes du quotidien de la famille et de l'horreur qui vient le chambouler un temps soit peu sont astucieusement relayées par des récits et des étapes plus oniriques qui prouvent que Wan a des idées et sait les mettre en oeuvre. Enfin, les couleurs sont souvent très belles, ce qui ne nuit pas à un film en général.

Plus qu'un film honnête, c'est un film d'horreur réussi avec un talent certain.

Ps:J'aimerais dire que je recommande Insidious mais vu ce que je viens de déballer de l'intrigue, j'espère pour vous que vous l'avez déjà vu.
RobinV
8
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le 6 août 2013

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RobinV

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