James Wan a changé la face du cinéma d'horreur avec le premier Saw, petit film malin et original qui a malheureusement ouvert la voie à la déferlante de torture-porn que nous subissons depuis maintenant 7 ans (et autant de volets pour la déraisonnable saga Saw). Loin de capitaliser sur le phénomène le jeune réalisateur a versé dans le vigilante movie semi baroque avec le pas si mal Death Sentence et dans l'horreur façon "le bon vieux temps" avec Dead Silence. C'est avec une certaine continuité qu'il revient en 2011 avec Insidious qui prend ses racines dans les films de maisons hantées qui ont fait trembler notre enfance et qui sont redevenu à la mode suite au succès de Paranormal Activity.

On a donc tout ce qu'il faut : un déménagement dans une grande maison, un grenier un peu étrange, un papa absent qui travaille beaucoup (Patrick Wilson, transparent), une mère seule qui arpente la maison en journée (Rose Byrne décharnée -mais toujours belle- et assez convaincante), un bébé pour faire bien, des chuchotements angoissants, des discutions mouvementées à base de "tu me crois pas, c'est ça ?" "mais si je te crois, la preuve je me suis retenu de te rire à la gueule" et les inévitables bruits stridents de la bande son pour souligner les apparitions des vilains.
Mais comme James Wan est un homme qui aime à mêler les genres (rappelez-vous le virage à 180° lors du dernier tiers de Death Sentence) il ne s'arrête pas là et décide d'emmener son scénario vers le film d'exorcisme farfelue (avec un démon qui veut pénétrer dans le corps d'un petit garçon, ce qui est parfaitement dégueulasse), à grand renfort de geeks ayant trop regardé Ghost Busters et de visions de l'anti-chambre de l'enfer.

Bon ça part un peu dans tous les sens mais pourquoi pas ?
Parce que, tout simplement, ça ne tient pas debout. Toute la partie "chérie je te jure que j'ai vu la vaisselle voler toute seule" est d'un classicisme absolu, mais pas dans le bon sens du terme. Que ce soit les rebondissements ou les scènes devant nous faire sursauter : on voit tout venir à des kilomètres à la ronde. Pour être surpris (et donc un minimum effrayé) par Insidious il suffit de ne jamais avoir vu un seul film d'horreur de sa vie, autrement l'affreuse sensation de déjà vu prend le dessus.
Un handicap que l'on retrouve dans les personnages, trop lisses et trop convenus pour qu'on s'y attache véritablement.

Le reste du film est un peu moins convenu et recèle les rares moments d'inspiration du métrage (l'histoire de la famille massacrée par exemple, dans une vision assez dérangeante) mais il peine lui aussi à convaincre. Alors que le film semble s'ouvrir à quelque chose d'assez particuliers, il n'en est rien. Sans doute limité par le budget (les décors c'est 2 maisons dont une redécorée pour en faire 3 en tout) le délire visuel est en fait bien radin. Il y a bien des amorce de choses fantasmagoriques (sur laquelle plane le fantôme de Dario Argento) mais ça ne va jamais assez loin, la sauce ne monte pas et au final ça ne fait que pousser un peu plus le film vers les frontières du ridicule. Mention spéciale au gros vilain démon qui est censé cristalliser toutes les angoisses générées dans le film : c'est juste un type en lycra noir avec un maquillage de Dark Maul sur le visage. On nous dit qu'il a du feu sur le visage alors qu'en fait c'est juste de la peinture rouge. Les seuls sévices qu'il fait subir c'est projeter les gens comme dans un épisode des power rangers. Assez pathétique donc, surtout que la mise en scène se relâche totalement vers la fin du film et ne cherche plus à camoufler l'aspect cheap de la bête.
Là encore ça aurait pu être un choix s'il avait été assumé, mais il n'en est rien. On croit déceler une orientation farfelue au détour de l'atelier de la bête (musique grotesque, plans de caméra étranges, décor baroque) mais ça ne sera jamais utilisé. Le film essaye désespérément de rester dans la peur "pure" et premier degré.

Ni effrayant, ni gore, ni dérangeant, ni imaginatif, ni rien.... Insidious est un gros film plein de rien et comme presque tous les films plein de rien : on s'emmerde en le regardant.
On s'emmerde d'autant plus que la mise en scène est plate (surabondance de plans larges en grand angle avec un léger flottement dans la bulle), que le montage est mou et que la lumière est franchement immonde. La lumière est historiquement un élément central du cinéma d'horreur (je vous renvoie aux films de Murnau) puisqu'elle permet de poser les ambiances et le ton des scènes.
Dans Insidious, de jour, on se croit dans un supermarché éclairé aux néons avec cette lumière froide, terne et uniforme. De nuit c'est encore pire puisqu'on y voit comme en plein jour... mais avec juste un filtre gris par dessus. Une telle laideur de l'image n'aide donc pas à faire grimper la tension.

Insidious est donc un non-film d'horreur et c'est franchement dommage puisque le genre n'est jamais pris de haut, une marque de respect appréciable mais également préjudiciable. James Wan a voulu revenir à un cinéma d'horreur plus classique, plus pur et sans doute plus honnête mais il ne s'y prend clairement pas comme il faut. En panne complètement d'inspiration, que ce soit pour l'écriture (prévisible et bancale) ou la mise en image (mollesse générale, incapacité à réussir les effets escomptés), le créateur de Saw passe royalement à côté de son film.
Vnr-Herzog
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le 16 juil. 2011

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