Jaume Collet-Serra s'éloigne provisoirement de sa collaboration avec Liam Neeson - les deux hommes ont signés trois films ensemble et s'apprête bientôt à sortir le quatrième - pour voler de ses propres ailes dans un projet qui le fait marcher dans les pas de Spielberg, rien que ça. Les films de requins ont tendances à ce faire plus rare ses derniers temps, mis à part dans les films de séries Z. Car à une époque, les films dans la lignée de Jaws étaient courant, ne serait-ce qu'avec les suites de ce dernier ou tout un pan de films de séries B plus ou moins efficaces qui voulaient rendre hommage ou piquer le flambeau au film de Spielberg. Lorsqu'ils se sont rendus compte que ça n'arrivera jamais, ce genre de films ont quelque peu disparu, au profit de production raffinées et de bons goûts tel que les similis nanars que sont les Sharknado. Dans le cinéma bis, le requin est encore roi et il est assez étrange de voir un film sortir au cinéma en 2016, se basant sur un concept tellement tourné au ridicule. Énième nanar ou revival d'un genre de série B particulièrement efficace ? Voilà ce qu'on peut ce demander du dernier film de Collet-Serra qui fait son Jaws de la génération Y et tombe dans la catégorie peu enviée du navet.


Le scénario est une catastrophe. Les situations sont téléphonées au possible, les personnages secondaires sont tous plus stupides les uns que les autres et le film repose quasiment intégralement sur ça. Il se construit sur un tas d'incohérences et de facilités qui ne sont là que pour pousser l'héroïne à affronter le requin. Même si il faut reconnaître que cette partie est parfois efficace, elle tombe dans le tout much, en rajoutant toujours plus pour faire basculer le récit dans le ridicule surtout que les rebondissement relèvent souvent du deus ex machina pour offrir une chance au personnage principal. Toute la construction du récit est basée sur une envie de rien laissé au hasard mais tout paraît trop calculé pour paraître efficace. L'héroïne a fait médecine comme ça elle est en mesure de "soigner" ses blessures, elle vient sur cette plage pour se ressourcer suite au décès de sa mère dont elle se sent responsable, créant un discours sur la famille cliché et soporifique au possible tandis que son amie à la gueule de bois ce qui fait qu'elle se retrouve seul sans que personne ne sache où elle est. L'intrigue n'est qu'une succession d'éléments venant la facilité et qui s'aligne sans logique, ce qui ennuie le spectateur qui se retrouve sur un chemin balisé et qui ne laisse pas de place à l'audace car même l'aspect survie ne crée aucune difficultés, aucun remous, tout est encadré à l'extrême.


Ce contrôle transparaît aussi dans la mise en scène de Jaume Collet-Serra, qui bien trop conscient de ses effets, tente de s'amuser avec le spectateur en jouant avec la linéarité du déroulement ou en retardant le plus possible l'apparition du requin. Dans le premier cas, il tue entièrement le suspense car il montre comment l'héroïne sera secouru dès la première scène du film et dans le deuxième, à trop vouloir crier au loup sans que jamais il ne soit là, il dénoue toute tension et devient redondant. Pourtant la première vraie apparition du requin est plutôt habile mais elle est desservie par tout ce qu'il y a eu avant comme fausse tentative d'horreur, comme l'on trouve dans les mauvais films d'épouvantes. Ensuite il veut trop s'imposer dans une esthétique "jeune" faisant pub télé au mieux ou mauvais Vine de sport extrême dans le pire des cas. Que ce soit dans la musique électro, les ralentis ou la photographie qui fait très "filtre instagram" , tout transpire le vulgaire dans ses tentatives de s'imposer comme un film dans l'air du temps, faisant du sous Danny Boyle en voulant singer 127 Hours qui lui utilisait cette esthétique avec brio. La plus grosse faute de goût venant de l'affichage des conversations téléphoniques qui est vraiment navrant, plus encore que les plans disgracieux en go pro. Heureusement, le tout se pose un peu durant la partie "survie" du film et là on se retrouve dans une série B plus prenante et efficace. Surtout que certains passages disposent d'une tension assez bien gérée et peuvent compter sur une Blake Lively au sommet de son art. Elle est pour beaucoup dans le peu d'intérêt que pourra ressentir le spectateur face à ce film, car elle se donne à fond dans une prestation assez juste. Elle impose vraiment un charisme qui nous fait dire que c'est une actrice bien trop sous-estimé par rapport à son talent. Elle dépasse les limites de son personnage pour la nuancer avec délicatesse et lui donner un côté badass franchement plaisant.


The Shallows est un mauvais film. Il manque de vigueur dans son exécution et apparaît comme un film poseur, se voulant plus cool qu'il n'est et ce qui vient saboter ses rares bonnes idées. Pourtant, il y a une bonne demi-heure vraiment efficace et bien foutue, qui s'affranchit de son scénario paresseux et de sa mise en scène tape à l’œil pour être une série B de survie prenante et habile, ce que l'intégralité du film aurait du être. Le tout est quand même maintenu debout grâce à l'impeccable prestation de Blake Lively, qui est vraiment une actrice qui mérite d'être plus souvent sur les devants de la scène.

Frédéric_Perrinot
3

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le 25 août 2016

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