It Follows est seulement le second film de David Robert Mitchell, et il permet déjà un tournant dans la carrière du jeune américain. Avec son premier film, The Myth of the American sleepover, on sentait déjà son envie de créer quelque chose d’innovant à partir du passé. Mais ses débuts ne sont pas sans défauts, et le faux rythme de son premier film lui portera préjudice, et empêchera à D.R Mitchell d’obtenir une certaine notoriété. Avec It Follows, il abat ses cartes de façon intelligente et parvient à nous pondre ce chef d’œuvre du cinéma d’horreur des années 2010 que l’on n’attendait  plus.
En sortant des codes actuels où le ‘jump scare’ et la tension superficielle sur le long terme sont des mots principaux, ce film se détache afin du susciter une certaine attention, et sera jugé avec un autre regard. On accorde une part plus importante à l’environnement qui entoure Jay. Même la musique est composée de façon intelligente, elle est là pour donner un sens au développement du personnage. Son ton un peu électrique accentue l’effet de la menace qui l’entoure, et permet d’éviter une ambiance trop froide, en décalage avec le message porté par le film. Ces éléments sont pour la plupart empruntés aux anciens films d’horreur, et c’est pour cela qu’on à l’impression d’être plongé dans les décors de La nuit des masques en suivant une histoire à la Carrie qui prendrait une toute autre direction à un moment. On empreinte au passé afin de le modeler et offrir une œuvre des plus modernes et innovantes du genre. Mais qu’est ce qui fait donc que cette œuvre est si particulière, et si détachée ? Son sujet et la façon dont il est traité.
Avec It Follows, D.R Mitchell met en avant un thème bien souvent mal traité, qui est celui de vivre avec sa maladie, et plus particulièrement la maladie chronique. Là où le tueur est un mal identifiable dans la plupart des films d’horreurs classique (tueur humain, esprit démoniaque, monstre ou alien, etc...), il est ici connu seulement par la personne concernée, et uniquement lorsqu’elle arrive à mettre un visage sur la menace.
La scène d’intro marque bien ce point. On y voit une jeune ado totalement paniquée qui ne sait pas quoi faire, ni où aller. Le regard du spectateur se porte plus sur la tenue vulgaire et la façon inhabituelle dont elle se comporte, plutôt que sur le pourquoi du comment de cette crise de panique.

Le cadavre qu’elle laisse derrière elle apporte une première argumentation de ce ‘mal invisible’ que l’on s’apprête d’étudier pendant environ une centaine de minute.


Le long métrage permet de comprendre l’importance de l’entourage lors de ce combat contre la maladie. Même s’ils ne peuvent pas comprendre ce que l’autre endure, le simple fait de montrer qu’on est présent permet une première victoire, du moins sur le court terme. Parce que, que ce soit avec ou sans soutien, le mal vient toujours de derrière dans le film, et pas forcément à un moment attendu (cf séquence sur la plage). Ce passage, qui est d’ailleurs munit d’un jump scare totalement ridicule, est l’un des rares moments où ce mal prendra plusieurs formes différentes.


Il surprend Jay au début, et cette dernière n’ayant pu vraiment fuir, voit sa peur augmenter de façon exponentielle face à cette maladie, qui montre pour la première fois le vrai danger qu’elle représente.


A plusieurs moment Jay voit que certains de ses amis sont plus ou moins convaincus de cette malédiction. Ce point montre qu’il y a une certaine différence entre le soutient et l’accompagnement/prise en charge. Les profils ne sont pas les mêmes pour les deux activités, et ce qui était d’abord vu comme une aide se transforme en énième problème pour tout le monde.
En parlant d’aide, le film aborde la différence interindividuelle de ce terme. Là où certains, comme Jay, vont choisir une préférence nette et rapide pour la lutte à plusieurs, le cas de Hugh donne un point à la solitude et au déni. Ce dernier étant censé être guéri, il ne s’y sentira que loin d’un potentiel danger. Mais son expression continue montre une peur qui va plus loin, et qui est seulement décuplée par la présence de la menace. Si le problème n’est pas traité à sa racine, il sera plus difficile de s’en occuper par la suite, et peut aller jusqu’à l’irrécupérable, comme le cas de Hugh. Le parallèle avec la scène de fin est intéressant, et permet un comparatif des deux manières utilisées pour tenter de régler le problème.

Si Paul et Jay semblent heureux à la fin, c’est parce qu’ils partagent la même vision des choses. Leur promenade dans la rue avec cette personne qui marche derrière eux élève une ambiguïté pour le spectateur qui sera supérieure à celle de nos deux personnages.


Le fait que tout le reste soit très propre (par ‘le reste’ j’entends photographie, réglage des couleurs, design sonore, jeu des acteurs, etc...), permet un résultat qui va au-delà du correct. D.R Mitchell obtient une sorte de suite psychologique à son premier long métrage, car après les soirées pyjamas vient le temps du sexe et du danger des IST. De plus, il réussit à éviter de tomber dans le piège de faire d’un seul cas une généralité absolue. En garnissant son film de multiples acteurs qui possèdent chacun leur propre psychologie distincte, It Follows permet de toucher un grand nombre de cas, tout en connaissant ses limites, et les ayants travaillées intelligemment.  
L’horreur n’est pas utilisée pour effrayer ou pour garantir une séance pleine de frissons d’angoisse, elle est là pour permettre une réflexion approfondie sur l’horreur quotidienne dont certains font face dans la réalité.
Mattlesith

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