La meilleure façon d'apprécier au maximum une œuvre de fiction, c'est sans doute d'en savoir le moins possible, chose difficile à l'heure où internet nous permet de trouver des informations sur absolument tous les films à sortir. Pourtant il existe des exceptions, des films qu'on ne voit pas venir, c'est le cas pour It Follows, film dont j'ai littéralement appris l'existence le jour de sa sortie, en voyant quelques personnes vanter le film et parler d'un renouveau, ou d'un retour aux sources du genre horrifique, un film ne misant pas sur les procédés actuels qui me débectent au plus haut point, en tant qu'amoureux du « vrai » cinéma d'épouvante. C'est donc avec cette information, et une brève lecture d'un synopsis qui ne révélait rien, que j'ai acheté ma place, après tout le cinéma, c'est aussi prendre des risques.

Après avoir blablaté sur ma vie, il serait temps que j'entre dans le vif du sujet, et contrairement à ma critique, le film ne propose pas une introduction douce, innocente, et présentant son sujet, non, il nous plonge directement dans l'horreur et pose le ton du film d'entrée, avec notamment un plan séquence exceptionnel, et une image qui marque d'entrée, l'image la plus dégueulasse du film sans doute. Avec une introduction aussi forte, le risque aurait été de vouloir partir dans la surenchère constante tout au long du film, piège dans lequel David Robert Mitchell, qui signe ici sa deuxième réalisation, ne tombera pas.

Les personnages sont introduits juste après cette scène horrifique, plus calmement, on prend le temps de connaître les protagonistes, mais pas trop non plus, le rythme est finement ajusté pour ne être trop expéditif, ou au contraire trop traînant. C'est l'occasion d'évoquer la plus grosse influence du réalisateur, qui a sans aucun doute été très inspiré par le Halloween de John Carpenter. Beaucoup de réalisateurs évoquent ce nom mythique lorsqu'ils réalisent eux-même un film d'horreur, se déclarant inspiré par son travail, mais jusqu'à présent je n'avais jamais vu quelqu'un mettre aussi bien en pratique cette affirmation, It Follows ressemble beaucoup à Halloween, dans sa localisation d'abord, la banlieue américaine, marquée par la teinture orangée de l'automne, marquée aussi par ses procédés de réalisation, ainsi l'action n'est pas toujours ce qu'elle semble être, mais j'y reviendrai plus tard, et enfin dans la musique. J'aurais pu croire que Carpenter avait composé la bande son du film tellement le travail de Rich Vreeland, jeune compositeur qui s'était jusqu'alors illustré dans le domaine des jeux vidéos, semble tout droit sorti de la tête du maître de l'horreur. Or ce serait dénigrer son travail que de le comparer aussi simplement, car pour moi son travail est aussi bon voire plus réussi, plus réussi dans son intégration au film, la musique est ici un élément essentiel de l'intrigue, parfois utilisée à mauvais escient quand elle n'est pas forcément nécessaire, mais jamais de façon abusive.

L'idée du film est bien trouvée, elle semblait pourtant basique sur le papier, une MST paranormale en gros, ça avait de quoi faire rire, et j'ai même pris cette annonce au second degré devant le film, mais je peux vous dire que je me suis vite calmé en voyant pour la première fois l'apparition, filmée de loin, et que je ne faisais plus le malin pendant le reste du film. Une de ses plus grandes qualités est son imprévisibilité, du début à la fin on a l'impression que tout et n'importe quoi peut arriver dans l'instant qui suit. Cette imprévisibilité, on la retrouve dans des choix de réalisation simples, la caméra se concentre sur une ou plusieurs personnes en train de discuter, ou d'accomplir tout autre activité, et on peut cependant apercevoir en arrière plan une personne en train de marcher lentement, nous laissant toujours le doute de savoir s'il s'agit réellement de l'apparition, ou alors d'une personne lambda. Le réalisateur joue aussi avec les nerfs des personnages en nous montrant directement la personne marchant, mettant les personnages au courant de sa présence. Tout cela est encore distillé avec parcimonie tout au long du film afin d'éviter un effet de répétition qui aurait enlevé tout suspense à l'oeuvre. De plus un autre élément qui s'ajoute à l'imprévisibilité du film est le minimum d'explications données. Que ce soit les personnages principaux ou les spectateurs, tous deux sont toujours sur un terrain d'égalité concernant l'information. Ainsi la seule information donnée tout au long du film est qu'il faut « passer » cette MST paranormale en couchant avec une autre personne, et que si cette dernière se fait tuée par l'apparition, alors l'apparition poursuivra de nouveau la personne précédente. Aucun indice n'est réellement indiqué quant à l'origine de l'apparition, bien qu'il soit possible d'émettre des hypothèses (j'ai la mienne, mais je ne vais pas la développer dans ma critique, elle est à la fois simple et plausible).

J'ai un peu évoqué les personnages de façon lointaine, mais il faut savoir que le casting dans son intégralité, composé d'illustres inconnus, au moins à mes yeux, réalise une excellente performance. Cela est dû premièrement à la très bonne écriture des personnages, on est loin des adolescents débiles que l'on voit dans 99% des films du genre, ici ils ont des réactions normales, et qui pour certains vont lentement vers des solutions désespérées, sans que cela paraisse totalement idiot, comme je l'ai dit plus haut, on est totalement en phase avec le désarroi des héros, qui se mettent à chercher toute solution ayant une chance de fonctionner. Parmi ce casting je tiens à souligner l'exceptionnelle performance de Maika Monroe, l'actrice principale, qui interprète son rôle à la perfection, un personnage dont on comprend la psychologie et à qui on s'attache facilement du coup, chose vraiment pas facile dans un genre où on finit toujours par supporter un psychopathe juste car la tête d'affiche du film est insupportable !

Je ne pouvais terminer cette critique sans évoquer un point qui me tient à cœur dans le cinéma d'horreur, les jump scare, procédé que je vomi et qui me rebute souvent à aller voir ces films là au cinéma. Le point positif est que le film ne se base pas sur leur présence pour créer une ambiance terrifiante, d'ailleurs réussir à créer une grosse terreur sur une plage en plein jour, ce n'est pas donné à tout le monde, et pour cela je tire mon chapeau virtuel à M. Mitchell. Cependant le film a tout de même deux sursauts, mais qui selon moi ne sont clairement pas fait pour faire chier le spectateur, même si on se retrouve toujours à avoir le cœur qui bat d'un coup à cause d'un son fort, mais je pardonne le film sur ce point.

Pour finir, j'espère sincèrement que comme pour The Babadook l'an dernier, It Follows saura montrer la voie à toute une nouvelle génération de cinéastes et surtout à toute une génération pas si nouvelle que ça de producteurs avides qui préfèrent rebooter à tour de bras bon nombre de classiques plutôt que de jeter un œil du côté de perle comme celles-ci.

J'allais oublier, je n'évoquerai pas vraiment la fin du film pour ne pas spoiler ceux qui liront ma critique sans avoir vu le film, mais je dirais juste ces mots pour « répondre » à un vieux dans ma salle qui s'en ai plaint à haute voix à la fin du fin, en essayant de discuter à plusieurs personnes qui ne rêvaient que de l'envoyer chier : il y a une différence majeure entre les mots « inexpliqué » et « inexplicable ».
KiraYagami
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films d'horreur, Les meilleures ouvertures de films, Journal de visionnage : 2015 (+ Avis), Vu au cinéma en 2015 et Les meilleurs films de 2015

Créée

le 7 févr. 2015

Critique lue 817 fois

10 j'aime

KiraYagami

Écrit par

Critique lue 817 fois

10

D'autres avis sur It Follows

It Follows
Kogepan
8

Miii ._. (ou : les aventures d'une souris devant un film d'horreur)

Je ne regarde pas beaucoup de films d'horreur. J'ai les bases, j'aime bien occasionnellement me poser devant un bon gros film terrifiant avec une bière, un coussin (très important, le coussin) et mon...

le 11 févr. 2015

134 j'aime

9

It Follows
Velvetman
8

Only monster forgives

Où sommes-nous ? Ce bruit assourdissant, dissonant, qui nous parvient à la vue de ce quartier pavillonnaire tout droit sorti de Blue Velvet ou Donnie Darko. Une jeune adolescente peu vêtue sort de...

le 5 févr. 2015

117 j'aime

8

It Follows
Sergent_Pepper
7

Suivre et survivre

C’est sur un éblouissement propre à séduire le cinéphile peu connaisseur du genre que s’ouvre It Follows : une superbe leçon de mise en scène. Le plan séquence initial, tout en lenteur circulaire,...

le 15 juin 2015

115 j'aime

11

Du même critique

Pas un bruit
KiraYagami
8

Hush little baby, don't say a word...

Quel plaisir ce genre de films d'horreur, vous savez, ceux qui ne prennent pas le spectateur pour un demeuré. Hush fait partie de cette catégorie, trop peu remplie de nos jours, car si certains lui...

le 12 avr. 2016

49 j'aime

5

Les Nouvelles Aventures d'Aladin
KiraYagami
1

I want to go home and rethink my life

Bonjour, je m'appelle Adrien, j'ai 20 ans depuis peu, et je suis passionné de cinéma, à tel point qu'on peut considérer que j'y suis accro. Je n'avais jamais pensé que ma passion puisse me blesser,...

le 19 nov. 2015

49 j'aime

4

Interstellar
KiraYagami
9

Merci Nolan pour ce merveilleux voyage.

Aucun spoiler. Le film que j'ai le plus attendu de ma vie, mon réalisateur préféré, celui qui m'a fait vibrer comme aucun autre, un casting de fou furieux avec notamment un Matthew McConaughey au top...

le 31 oct. 2014

49 j'aime

38