On se détend et s'en remet au bolchévisme, tout le reste n'est que fatigue, dangers et illusions

Le point de vue est volontiers niais et abusif : elle refuse d'embaucher un iranien car sans-papiers, c'est forcément à sa charge, une preuve de son évolution vers le monde sombre. Elle a à peine commencé avec son nouveau 'statut' que son fils cogne à l'école : braves gens, le capitalisme libéral détruit aussi les familles ! Si le gamin a mal agi, c'est car sa mère s'éloigne – et si elle s'éloigne c'est à cause de ce maudit système et de la société, où la réussite et l'argent comptent davantage. Blabla.


Le grand problème avec la gauche, c'est que la corruption viendra dès qu'on sort du rang ; elle est passée dans le camp des exploiteurs : s'émanciper de la catégorie des exploités n'a pas d'autre nom. Avec ce film c'est spécialement gratiné puisque de la dénonciation des fausses libertés du monde libéral [de la compétition économique] on arrive à la dénonciation des présumées fausses libertés tout court et donc à un programme plus que réactionnaire, en fait parfaitement concentrationnaire, où tout ce qui échappe à une mobilisation souveraine n'est que souffrance et malveillance – bref, s'il énonce des vérités, ce film le fait pour le compte d'un éventuel régime marxiste autoritaire, suggérant aux petits patrons/entrepreneurs, indépendants, de lâcher l'affaire pour le bien de tous.


Mais Ken Loach sait soutenir son propos, avec habileté en plus de la lourdeur. Il pointe les rénovations illusoires de la domination – qu'une femme gueule les ordres ne les rend pas plus doux, qu'un péquenaud soit de bonne volonté et joue le jeu sans égards pour la saleté ne le rend pas plus légitime face aux mafias ni plus en position de défendre sa 'classe' d'origine. Quand le larbin agité montre à la protagoniste l'article de presse sur un grand patron à la sanction dérisoire – elle en déduit qu'eux, à leur niveau et moins gourmands, ne seront pas pris ; ce qu'elle oublie, c'est qu'elle n'est pas comme eux hors de portée. Cet élément, parmi d'autres, souligne une bêtise d'humains, toujours persuadés d'être plus malins que le voisin ou concurrent. Le film social se double donc d'un drame sombre et trivial, presque un thriller pathétique – sa part efficace, malgré la surenchère et le cheap (les propos d'Ange lors des recrutements, les circonstances de l'enlèvement sont tachés de grotesque involontaire).


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le 5 janv. 2019

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