J'ai toujours rêvé d'être un gangster est une jolie surprise. Pas le genre de surprise qui vous prend aux tripes, vous retourne et vous laisse KO.
Non... Une petite surprise. Petite comme le budget de ce film sans grandes prétentions mais débordant d'une fraîcheur et d'un enthousiasme communicatif...

Pourtant, choisir de réaliser un « film à sketches » tenait de la gageure pour Samuel Benchetrit. Surtout au vu des antécédents, où même les plus grands se sont cassés les dents.
Présentés comme un étal de fruits plus ou moins frais, les « films à sketches » sont bien souvent une tannée pour le spectateur, qui doit subir le médiocre pour mériter le meilleur.
Le récent Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch (auquel J'ai toujours rêvé d'être un gangster a souvent été comparé) ne déroge pas à cette règle, tant certains sketches y sont soporifiques.
Mais revenons à notre film.
Choisir de tourner dans un noir et blanc granuleux à l'heure de la Haute Définition et du surétalonnage systématique, tenait aussi d'une certaine gageure.
Que Samuel Benchetrit opte en plus pour le format 4/3 alors que le monde entier ne jure plus que par le 16/9°, et il n'en fallait pas plus pour qu'il se retrouve taxé de snobisme.

Beaucoup lui ont reproché le maniérisme de sa réalisation, l'interprétant comme un manque d'originalité et d'ambition. Certains ont même traité son film d'hommage prétentieux à un certain cinéma classique qui aurait, selon eux, beaucoup plus de valeur et d'intérêt...
Pour être honnête, jamais je n'échangerais mon DVD de J'ai toujours rêvé d'être un gangster contre un quelconque A bout de souffle, Le pigeon ou je ne sais quel Coffee and cigarettes, films d'une prétention et d'un ennui sans nom.

Bien sûr que Samuel Benchetrit utilise nombre de ces références, piochant pêle-mêle dans le cinéma muet, le roman photo, le film noir, la comédie à l'italienne, le cinéma belge, les pulp-fictions, et j'en passe... mais il semble tellement s'amuser, aussi bien d'un point de vue formel que d'un point de vue narratif, qu'on ne peut qu'être emporté par son enthousiasme...
Il crée ainsi un univers cohérent fait d'un bric à brac de références cinématographiques. Il finit même par rendre tangible un inconscient collectif, fruit des milliers d'heures d'images vieillies qui nous ont bercé depuis l'enfance.
Et cet univers, bien que complètement décalé, nous semble étrangement familier. On finit même par y trouver nos propres références.
Il est d'ailleurs amusant, lorsque les critiques essaient de lister les films qui ont inspiré Samuel Benchetrit, d'entendre celui-ci répondre qu'il ne les a jamais vu...

Mais, plus que la création d'un univers référencé, et c'est là que réside l'intérêt du film, Samuel Benchetrit sublime la mélancolie, et la présente comme un véritable art de vivre.
Cette mélancolie suinte de partout : des murs décrépis de la vieille cafétéria, de ces septuagénaires qui ont été et qui ne sont plus, de cette lenteur assumée qui pousse les personnages au silence et à l'introspection...
Quelle meilleure image qu'un Edouard Baer silencieux pour illustrer cette mélancolie ?
Et qui mieux que Arno et Alain Bashung pouvaient en être les têtes de file ?

Arno et Alain Bashung... Ils sont pour moi le seul hic du film... Leur histoire semble tenir du clin d'œil anecdotique. Leur jeu est plus que limité et leur lenteur devient vite agaçante.
En fait, aucun des deux chanteurs ne connaissait son texte en arrivant sur le plateau de tournage, et Samuel Benchetrit s'est trouvé obligé de leur dicter les dialogues pendant les prises. D'où ce rythme étrange, d'une artificialité dérangeante...
Alors que défile péniblement leur dialogue sans fin, on en vient même à se demander ce qu'ils ont à faire dans ce film qui parle de gangsters ratés...
Pourtant, à bien les regarder, avec leur drôle de dégaine, leurs voix qui en imposent, les hommes de mains qui les accompagnent (leurs musiciens), ils sont les seuls personnages du film à avoir réellement l'étoffe de gangsters...
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le 23 mai 2012

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