La purgation des passions d’Aristote

Oui, j’ose comparer cette panoplie de cascades à un spectacle cathartique irréaliste! Bon d’accord je m’emporte un peu et j’intellectualise un film pipi-caca pour les ados en perte d’identité… Si on ne peut pas être les plus intelligents alors pourquoi ne pas être les plus stupides ? Telle devait être l’idée phare de cette association de gens pas très normaux lorsqu’ils se réunirent au début des années 2000. Pour l’histoire, Jackass c’est 9 garçons (8 américains et 1 britannique) prêts à exécuter des cascades et des défis plus dingues les uns que les autres. Pour l’anecdote, il existait un magazine de skateboard nommé Big Brother dans lequel officiaient Steve-O, Jeff Tremaine, Chris Pontius, Dave England et Johnny Knoxville. Ce dernier lança l’idée folle de se filmer en train de tester du matériel d’auto-défense sur lui-même, ce qui engendra une notoriété qui attira le groupe de rock CKY avec Bam Margera et Ryan Dunn (fans de skate), Wee-Man (skateur professionnel), et Danger Ehren dans leurs vidéos. Le succès et la notoriété étant, un pilote vit le jour et un certain Spike Jonze (ami de Jeff Tramaine) l’acheta, et Jackass naquit sur MTV. Le fait est que les épopées des Jackass naquirent durant mon adolescence et depuis je suis resté un inconditionnel, quelques fois aussi débile qu’eux.

Jackass 3D est le 3ème long métrage de la bande de potes la plus déjantée d’Amérique et le 4ème si l’on compte le film des scènes coupées du 2ème opus. Et pourtant, ce film a vu le jour en 2010 alors que ces anciens ados attardés ne l’étaient plus et avaient pour la plupart la quarantaine approchante, une femme et des enfants. Beaucoup de journalistes et spécialistes du cinéma se sont posés cette question : Mais que font-ils encore sur nos écrans ? Seraient-ils masochistes ? C’est difficile de répondre à cette question, mais je dirais que les Jackass n’ont pas envie de grandir. Des adultes angoissés atteints du syndrome de Peter-Pan en quête de purification émotionnelle ?… Je ne sais toujours pas. Ce qui est pourtant sûr, c’est que même si j’avais beaucoup mûri lors de la sortie de Jackass en 3D, j’ai pris autant de plaisir qu’à l’époque à les regarder tout comme eux ont dû en prendre à le faire. Et c’est là l’efficacité de leur âneries, le film est une sorte d’exutoire pour oublier toutes les responsabilités d’une vie d’adulte, leurs péripéties nous transportent dans la tête d’un adolescent insouciant et inconscient. Un hymne au trash.

Pendant ce 3ème épisode des Jackass pas mal ont manqué de vomir dans les salles, puisqu’en plus des saletés oro-anales habituelles, la 3D nous rapproche encore plus des protagonistes et nous écœure davantage. En revanche, le conseil le plus important que je peux vous donner c’est d’aller voir le film en VO car le doublage français est affligeant. De plus, outre les expériences cinématographiques ratées de Johnny Knoxville il faut souligner ici la fidélité des uns envers les autres, toujours ensemble au bout d’une dizaine d’années sans qu’il n’y en ait un seul qui ait filé dans le politiquement correct où dans le consciencieux. Jackass n’est pas un film mais une série de sketchs ayant pour seule prétention d’être plus débile que la précédente. Les acteurs sont bedonnants et toujours aussi stupides qu’il y a dix ans quand l’ado perdu que j’étais était tombé sur leurs premières aventures en DVD, mais qu’importe, moi aussi. Les polémiques et les sanctions ont accablé un moment le groupe mais malheureusement ceux qui ont détesté Jackass, les détesteront toujours et ceux qui comme moi ont toujours aimé, seront ravis de leurs prochaines productions.

Malheureusement, ce Jackass 3D semble bien être le dernier film à sketch des Jackass au complet car la bêtise tue, et c’est un Ryan Dunn alcoolisé qui en aura fait le constat en juin 2011 au volant de sa Porsche 911 GT3 flashée à 210km/h retrouvée écrasée dans un arbre. La mort de Ryan Dunn, mon cascadeur américain favori, a constitué pour moi la fin des Jackass bien qu’ils aient sorti Bad Grandpa (film retraçant les aventures d’Irving Zisman, personnage créé dans les précédents films par Johnny Knoxville) et plus largement la mort d’une partie de ma jeunesse. La fin d’un spectacle autant comique que tragique, qui représentait symboliquement tout ce dont les adultes ont peur. A l’instar des rêves et de la Catharsis chère à Aristote, les Jackass exorcisaient nos craintes et accomplissaient nos désirs les plus fous.

PS : j’ai comparé Aristote aux Jackass, je me suis bien foutu de vous tout de même !