Impatient d’assister à ma première bonne comédie française de ce début d’année 2016, c’est d’un pas décidé que je pars voir cette seconde réalisation de Franck Gastambide après Les Kaïra en 2012. La salle est comble, les spectateurs plutôt respectueux, tout va bien. Il faut dire que le casting est plutôt enclin à la rigolade même s’il ressemble plus à celui des enfants de la télé qu’à celui d’une comédie française. Malick Bentala, Ramzy Bédia, Gad Elmaleh etc… on comprend vite qu’on ne va pas assister à La cité de la peur et que l’on ne nagera pas dans un océan de subtilité. Cependant, le potentiel est là.


Et ça démarre mal, en quelques secondes on remarque que Gastambide ne s’est pas du tout défait de ses personnages présents dans Les Kaïra. Pour preuve, leur champ lexical est limité, l’argot parisien nous boursouffle les oreilles et le langage wesh-wesh va bon train. Mais surtout un terrible homicide volontaire de la langue française est commis ici. Même si ces aspects sont les caractéristiques des trois protagonistes. Comme si les jeunes des banlieues étaient tous des simplets arriérés et illettrés. Cliché. Le plus gros défaut de cette aventure grand-guignolesque est d’avoir trop emprunté aux traits de personnalité des kaïras. Le vocabulaire employé par les trois personnages principaux est apathique à défaut d’être risible. Le comique de mots utile dans Les Kaïra s’estompe dans cette fausse suite.


Depuis Bienvenue chez les Ch’tis, en passant par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, le cinéma français s’est révélé une attirance pour l’humour basé sur le cliché. Pattaya est donc un nouvel exemple de ce style particulier établi à partir de sous-entendus douteux et de raccourcis outrageants. Ces allusions irrespectueuses et généralisations grossières mêlent, par exemple, l’Islam à la beuverie, la drogue et le sexe. De plus, le rôle de Gad Elmaleh est anecdotique en bouddhiste radical. Celui de Ramzy est quant à lui plus signifiant et ce rôle a la clairvoyance de nous faire regretter ses personnages d’imbéciles heureux dans La tour Montparnasse infernale et dans La tour 2 contrôle infernale.


Seule la satire du monde de la téléréalité contenue dans les rêveries animées du personnage principal est à sauver. En plus, d’user d’une certaine ironie, le sujet traité mérite cette attention particulière, sans pour autant le dénigrer totalement. Gastambide surligne juste les loufoqueries et les abjections de ce genre télévisuel bâti sur le mensonge, la frivolité et le laid, typique de la caricature parodique. Le réalisateur mérite pourtant mieux que les amalgames de son œuvre et si on devait lui mettre une annotation comme sur un bulletin scolaire elle serait la suivante : «Franck est capable de tellement mieux, dommage qu’il se laisse aller dans certaines facilités…». Le discours que le réalisateur aurait dû approfondir est celui de la caricature de ces occidentaux qui s’auto-approprient la Thaïlande pour le jeu, la luxure et la décadence à l’instar de ces pointures du rap français telles que Booba ou Seth Gueko. Mais au lieu de ça il s’embourbe dans le cliché lourdingue associant ce beau pays au transsexualisme, au proxénétisme et à la dégénérescence puis il va même jusqu’à faire tourner Seth Gueko, principal concerné par cet exil.


En fin de compte, malgré quelques allégations pertinentes, Franck Gastambide déçoit en faisant jouer les copies conformes des comédiens de son précédent métrage. Le renouveau n’a pas eu lieu et la bonne comédie française de ce début d’année n’est toujours pas arrivée. Pattaya, le long-métrage éponyme de la ville est un film grand public grossier qui, comme à l’accoutumée, n’associe pas le fait de s’ouvrir à un large panel à la qualité intrinsèque d’une comédie. Les acteurs en font des tonnes et luttent contre leur vraie nature (d’ailleurs ça dégouline à l’écran). Dans cette lutte abstruse qu’est l’attente interminable d’un quelconque vaudeville burlesque alliant l’excellence à une fréquentation abondante, je continuerai ma sombre marche malveillante sur les sentiers de l’incrimination pour ainsi pouvoir vous clamer haut et fort les méfaits des excréments qu’on nous propose à l’écran dans cette douce France…

baptistevanbalbergh
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le 9 mars 2016

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The Passenger

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